D'une part, il y a un peu de La Peste, de Camus, une ville en surchauffe, parsemée de rats, des pénuries, la lassitude et la misère. D'autre part, il y a un peu d'OEdipe roi, pas dans le sens oedipien incestueux et parricide, mais dans l'évidence de l'enquête. Car s'il est bien question d'un thriller, la résolution paraît très vite assez évidente, et ça serait un piètre film à énigme, mais la finesse du film est que l'enquête n'est qu'un prétexte pour évoquer autre chose, et que les artifices et le spectacle de cette poursuite haletante ne servait qu'à un autre discours. Plutôt La Peste qu'Œdipe roi. Burning days parle de la Turquie contemporaine, des inégalités, de la corruption, du poids de l'armée et des traditions, auxquels le Procureur est venu se confronter : un pays troué, métaphore que le cinéaste utilise au sens propre. Le contexte politique importe plus que les faits qui s'y déroulent : un fond d'élections et de magouilles, qui 'échappent pas au Procureur, qui bien que droit dans ses bottes, strict et efficace, se retrouve assez vite impuissant et pris au piège. Ce qui est intéressant, dans Burning days, ce sont les non-dits, c'est à dire ce que l'évidence dissimule. Un sous-entendu homosexuel notamment, et tout le film peut se lire comme une lutte sans fin pour la liberté sexuelle dans un pays hostile, ou comme la lutte d'un homme tiraillé entre ses pulsions et les interdits sociaux de son pays. Regorgeant de références et d'effets, c'est comme si tout cet attirail servait à dissimuler le principal. Et que le film n'était qu'une métaphore. L'enquête, c'est au spectateur de la mener à travers les indices et métaphores laissés par le cinéaste dans cet haletant thriller...

Alfred_Babouche
7
Écrit par

Créée

le 6 août 2023

Critique lue 3 fois

Alfred_Babouche

Écrit par

Critique lue 3 fois

D'autres avis sur Burning Days

Burning Days
Sergent_Pepper
4

Le gouffre aux vipères

On ne saluera jamais assez le mérite des Festivals dans leur rôle de prescripteurs : grâce à eux – et ici en l’occurrence, celui de Cannes, le monde entier est rendu attentif à la production...

le 5 mai 2023

17 j'aime

1

Burning Days
mymp
7

Souviens-toi la nuit dernière

Tout commence au bord d’un gouffre, gouffre face auquel Emre paraît si petit, pas grand-chose, et surtout totalement impuissant, et résumant d’entrée ce que sera sa place, sa condition. Jeune...

Par

le 26 avr. 2023

15 j'aime

Burning Days
Christoblog
4

Un peu trop naïf pour être totalement convaincant

Découvert lors du dernier Festival de Cannes dans la section Un certain regard, ce film du turc Emin Alper est un honnête thriller socio-politique.Durant la projection je n'ai pu m'empêché de penser...

le 1 mai 2023

11 j'aime

Du même critique

J'accuse
Alfred_Babouche
8

Zola et Polanski

La faute de l’abbé Mouret. Roman Polanski est un gros dégueulasse. Roman Polanski est aussi un immense réalisateur (The Ghostwriter, Rosemary’s baby, The Pianist). A l’époque de Zola, le célèbre...

le 15 nov. 2019

6 j'aime

3

Mademoiselle de Joncquières
Alfred_Babouche
8

La religieuse ou la putain

Sans connaissance de l'oeuvre de Monsieur Mouret, ni du roman de Monsieur Diderot dont seul le titre m'était familier c'est plutôt Monsieur Baer qui m'a attiré vers le cinéma. J'avais envie qu'il me...

le 19 sept. 2018

4 j'aime

1

L'Effondrement
Alfred_Babouche
8

De l'Homme au singe

L’effondrement – série créée par Les Parasites: Y a-t-il toujours un pilote dans l'avion ? A la fin de La Haine (Kassovitz, 1995), la voix grave du narrateur conclue le film en déformant légèrement...

le 9 sept. 2020

3 j'aime