Dès le début, la grande douceur des travellings jouant sur le contraste entre l’intérieur sombre et l’extérieur lumineux et baigné des sons naturels de la nature, oiseaux, vent, installe une atmosphère cotonneuse. Il ne faut pas s’y fier. Un des plans suivants mêle violence et humiliation d’un groupe de jeunes par l’armée, avec des inserts des photos (en noir et blanc, comme des arrêts sur image) prises par un des militaires. Le film nous habituera à passer d’un plan (de nature) à un autre (urbain) sans ménagement, un lien les unissant tous : l’Histoire mouvementée de la Thaïlande, de 1976 à nos jours. Le discours politique sur la situation passée et actuelle est sous-jacent ; "Le massacre de Thammasat est un massacre perpétré en 1976 par les forces de police thaïlandaises et des bandes paramilitaires d'extrême-droite sur un cortège pacifique d'étudiants et de travailleurs, à l’université Thammasat." (© Wikipédia). Le personnage de l’écrivaine en est une survivante, un témoin précieux, tout comme les étudiants du monde contemporain, qui vivent "des manifestations qui secouent le royaume thaïlandais, allant jusqu’à rassembler plus de 10 000 personnes." (© Wikipédia). Ce sont des éléments à connaître pour la compréhension du film. La musique, utilisée avec parcimonie, est parfois jouée au piano, à la guitare, chantée en direct, où c’est une chanson de variété (dont les paroles "d’amour" sont traduites. L’image, langage premier du film, peut se faire totalement abstraite, à un moment donné. La grande première partie se déroule principalement à la campagne, la nature étant magnifiée par les mouvements de caméra. La cinéaste aime également filmer les corps, les visages, les mains. La commande d’un repas devient un vrai moment de sensualité. Le film montre aussi la réalité d’un travail physique, ici dans une usine à tabac. C’est aussi un film qui parle de cinéma, son véritable fil conducteur ; réalisatrice, acteur "commercial" (multi-rôles), salle de montage, plans constitutifs comme filmer une route en travelling avant ou l’hommage au "Mépris", dans cette scène inversée où le jeune acteur nu pose des questions sur son physique à son amante habillée. La sensation que Anocha Suwichakornpong, la réalisatrice, veut remplir son film de toutes les personnes qui composent la société thaïlandaise est forte. Le film se conclue paisiblement sur un plan idyllique de nature.

abel79
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le 27 mars 2022

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