C'était un rendez-vous
7.2
C'était un rendez-vous

Court-métrage de Claude Lelouch (1976)

La réussite factice et l'onirique désir d'y parvenir

Probabilité insolite, curieuse, quasi-nulle et incertaine. Et pourtant c'est celle-ci qu'on nous propose.

Lelouch, en l'espace de quelques minutes de précieuses pellicules, se demandent comment brûler cette oeuvre encore immaculée. La route comme pellicule. Pour lui, l'allégorie veut tout signifier. Tout et en même temps rien. C'est pourquoi, l'air d'un Don Quichotte, il va choisir un objectif et s'y rendre coûte que coûte. L'objectif, c'est quoi ? C'est le titre. C'est la fille qui est là, pimpante, à cinq heures du matin et qui attend. Mais cette fille, c'est tout et rien à la fois. Le désir. Le bonheur. Ou même... Une éventualité parmi tant d'autres et dont le spectateur se rassasie en se murmurant au passé : "ah mais c'était donc ça ! Un rendez-vous !". Cela aurait pu être tout à fait autre chose sans que cela ne nous étonne.

Et pourquoi diable est-on en retard dans cette caméra subjective et transgressive ? Parce que c'est comme ça, c'est la vie. Et la vie, pourvu qu'elle soit probable, elle est sans probabilité et donne au final une allure de performance... à toute allure. Une performance qui tient du record, de l'exploit, du dépassement de soi. Sans doute est-ce la limite transgressive propre à chacun ? L'accident est là, à tous les coins de rues et même en ligne droite. Collision ou pas. Loi ou pas. Gravitationnelle ou pas. On y échappe, de peu. On fait des choix qu'on subit ou qu'on veut. Et on y va. Même si la caméra au ras dol nous donne l'impression que la vitesse est une illusion.

C'est une attirance formidable que cet objectif, cette fille, cet accomplissement, cette réalisation de soi. Lelouch nous dit une chose : "pourvu que cette réalisation soit passionnelle, ardente, qu'on se risque et même si ça ne marche pas !" Et tant qu'à prendre des risques, comme disait Brel, autant que le moteur soit vrombissant et la conduite spectaculaire, un peu m'as-tu-vu. Ainsi aura-t-on parcouru et revêtu les deux idées fondamentales du rêve : celui qui est matériel - la réussite autrement dit - et l'onirique.

Cependant, la vie qu'on voit défiler est une vanité. Le parcours fut choisi à 90 %. Lelouch savait par avance où passer et comment fallait s'y prendre pour stratégiser vers la réussite de son projet.
Cette réalité nous donne le goût du factice et de la désillusion, clairement non recherchée.
Andy-Capet
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le 10 janv. 2013

Modifiée

le 10 janv. 2013

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