Un petit divertissement épique ayant mal vieilli, mais un grand pas dans l'histoire du cinéma

Cabiria (1914) est un film épique italien de Giovanni Pastrone, narrant la quête d'une enfant enlevée lors de la deuxième guerre punique, un conflit qui opposa les cités de Rome et de Carthage à la fin du IIIe siècle avant notre ère.


Cette œuvre influença les cinémas de grand spectacle et d'exploitation, par sa mise en scène obéliscale, et en étant une des premières superproductions de l'histoire et un des premiers péplums. Cabiria est ainsi cité pour avoir influencé les réalisateurs des premiers mastodontes hollywoodiens, D. W. Griffith et Cecil B. DeMille, mais on le retrouve aussi dans des films plus récents. Par exemple, je pense que sa scène au temple de Moloch à Carthage inspira Indiana Jones et le Temple Maudit (1984) de Steven Spielberg, puis celle de l'esclave Maciste accroché à une meule a été reprise dans Conan le Barbare (1982) de John Milius.


Mais selon moi, Cabiria n'est pas le chef d'oeuvre décrit dans certaines critiques. Car si son visuel grandiose éveille l'attention, il est difficile de la maintenir deux heures durant, en raison de protagonistes trop plats et trop fonctionnels, puis de péripéties souvent répétitives. La seule exception à ces faiblesses scénaristiques étant Sophonisbe, la princesse punique qui est le personnage le plus complexe du film, mais qui reste secondaire.


De plus, contrairement à la promesse de son sous-titre : "Vision historique du IIIe siècle av. J.-C.", Cabiria a de nombreuses approximations historiques et reprend des légendes anciennes, comme les sacrifices d'enfants par les Carthaginois au dieu Moloch (qui de surcroit ne faisait pas partie du panthéon punique), ou les miroirs ardents d'Archimède utilisés contre les Romains lors du siège de Syracuse en -213. La "vision historique" de Cabiria était en réalité une relecture occidentale, nationaliste et colonialiste au début du XXe siècle des auteurs antiques faisant du monde gréco-romain celui de la civilisation, opposé aux peuples barbares qu'incarnaient les "cruels" Carthaginois.


A rajouter à cela, que des acteurs blancs étaient grimés en noirs, et même si Cabiria ne correspond pas aux stéréotypes américains du "blackface", cet effet vieillit mal et les personnages noirs de ce film étaient stéréotypés, tel que l'esclave et bon géant Maciste, devenu après un héros populaire du cinéma italien mais blanc.


Cabiria conserve finalement un certain intérêt pour son visuel encore épique après un siècle, et si le reste du divertissement n'est pas toujours à cette hauteur ou qu'il a mal vieilli comme son sous-texte, il faut plutôt le prendre en tant que document de l'histoire du cinéma.

Paul_Rigaud
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le 24 avr. 2021

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