Coup de gueule (et pas trop) contre Haneke.

Putain ce que je hais Haneke. Et je le hais d'autant plus que ses films réussissent dans ce qu'il entreprennent.


"Caché" semblait un thriller angoissant, non sans rappeler un certain Lost Highway de David Lynch. Un petit film, d'un réalisateur pas trop connu. Humble au moins.
Un couple se sait observé par un psychopathe qui les filme devant chez eux et qui leur envoie ensuite les cassettes, enrobées dans des dessins qui rappellent l'enfance de notre héros. Bien. Pitch simple mais efficace, qui peut donner de vrais angoisses.
Mais un scénario c'est bien trop peu pour Môsieur Haneke. Ce qu'il lui faut lui, pour que ça marche, c'est, au lieu de dresser une intrigue palpitante dans une mise en scène grandiose, réduire le tout à néant dans une mise en scène la plus minimaliste possible si ce n'est même totalement inexistante, récompensée à Cannes d'ailleurs !
Voilà, le moins d'effets et le moins de style possible. C'est son style au Haneke.
Soit, qu'il s'en soit ainsi. Alors OK, on se tape ses longs plans séquences affligeants, où même quand la caméra bouge et tu que te crois sortis du calvaire, celle-ci reprend sa place initiale après un petit tour sur elle-même, te replongeant dans un spirale d'ennui entêtante. Moyenne de : 1 plan/scène. Un plan bien éloigné si possible, qu'on entende rien et ne voit rien en prime, c'est toujours mieux.


Bon OK, ça reste chiadé, on sent que ce n'est pas improvisé. En résulte quelques plans très réussis, grâce à des jeux de reflets par exemple. Mais bon, si on doit se taper 1h50 de rien pour 5 minutes de jolies images... Est-ce que ça vaut vraiment le coup ?


Mais là où ces plans sont les plus terribles, c'est dans leur côté malsain. Tout, de l'image volontairement immonde et sans style (le film aurait il été filmé avec une sorte de caméra DV ?), des sons sont les moins traités et les plus bruts (sales) possibles, à l'absence de musique renforce le côté malsain du truc.
Côté malsain qui colle d'ailleurs absolument parfaitement à l’ambiance déstabilisante et déroutante du début du film. Cet obsession commence à nous gagner. Haneke nous manipule, ça on le sait, on le sent.
Ce qui m'énerve d'autant plus.
Il réussi ce con. Il nous prend pour des cons, que nous sommes, nous qui pensons que derrière cette absence de style se cache un nombre incalculable de boulettes, alors que le montage est impeccablement maîtrisé et que tout est raccord. Nous qui rembobinons le film, comme les personnages justement, pour tenter de débusquer la caméra dans le décor. Nous qui nous croyons plus malins mais qui retrouvons notre place de simple spectateur crédule est risible.
Cela m'énerve bordel.
Parce qu' Haneke est l'essence même du réalisateur prétentieux, avec un talent indéniable (qui plaît ou ne plaît pas d'ailleurs, c'est un autre débat) qui nous EMMERDE (dans les deux sens du terme appréciez le jeu de mots...) et nous dit à nous tous autant qu'à ses acteurs ; "Ecoute ce que je vais faire c'est que je vais poser ma caméra dans un coin, ne faire aucun effort pour faciliter la compréhension du film, notamment en ne mettant aucun micro, et tu vas faire tout le boulot à ma place, ok ?"


Et bien non, on a envie de se rebeller, de dire "Non connard je n'augmenterai pas le son de ma télé pour mieux entendre ce que les personnages disent car tu n'as pas dénié nous mâcher le boulot en plaçant un putain de micro dans cette voiture. Non connard je n'irai pas zapper pour remonter le film et découvrir des choses cachées. Non connard je ne regarderai pas des petits indices que tu as savamment distillés dans tes plans exigus et froid. Non connard je ne fixerai pas chaque personne du plan final pour essayer de comprendre quelques chose à ton scénario génial mais incomplet qui ne nous laisse que des bribes d'infos pour nous faire nous-mêmes détectives."


Mais le pire c'est qu'avec toute notre bonne volonté de rébellion, on ne peut s'en empêcher et on tombe dans le panneau. D'où l'efficacité monstre du scénario, qui nous tient en haleine un bon moment avant de partir malheureusement en cacahuètes complet, dérivant sur une pseudo relecture du passé français (Hihihihihi je te mets Mazarine Pingeot dans l'émission, référence au titre "Caché[e]"), sur le passé colonial, ses influences sur les minorités maghrébines ou je ne sais quoi. Partie du scénario dont on se serait gentiment privé, car desservant totalement la tension du film, et surtout provenant d'un Autrichien qui n'a rien à foutre dans cette Histoire (avec un grand H).
Prouvant encore une fois le caractère en retrait d'un réalisateur sûr de lui, qui montre sans s'impliquer, violente et perturbe ses spectateurs sans en avoir rien à faire, qui ne descend jamais de son piédestal si stable, celui de sa confiance en lui et de son talent.
Certes c'est un coup de gueule, mais ça fait du bien.

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le 11 févr. 2015

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Charles Dubois

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