Bizarrement non traduit, le titre original peut donner l’impression que le film va suivre les pas d’un personnage nommé Camino. En réalité, camino se comprend plutôt comme chemin et si Sebastian va emmener Khalil (Ernesto Suarez) vers La Paz (capitale de la Bolivie), pour ce vieil homme ce ne sera qu’une étape.


Sebastian (Rodrigo de la Serna, vu dans Carnets de voyage, le film de Walter Salles évoquant l’itinéraire d’Ernesto Che Guevarra) est un argentin vivant à Buenos Aires avec sa copine Jazmin (Elisa Carricajo). Elle travaille, lui non. Très terre-à-terre, elle imagine un futur solide avec une promotion qu’elle guette depuis longtemps, ce qui leur permettrait de gagner plus et d’avoir un enfant. Sebastian recule le moment de devenir père de famille. D’ailleurs, à 35 ans, il se comporte encore comme un grand enfant et il n’hésite pas à rebondir sur une erreur téléphonique pour faire une farce à Jazmin. Le numéro de portable de Sebastian est utilisé par erreur par des personnes qui cherchent à se faire véhiculer. L’erreur se reproduisant régulièrement, Sebastian profite de cette situation qui lui offre une opportunité de liberté. Le voilà dans sa Peugeot 505 (voiture léguée par son père, il la bichonne), à emmener Khalil à l’hôpital. A Jazmin qui lui demande à quoi il joue, Sebastian répond que cela lui fait gagner de l’argent. Combien ? Difficile à évaluer dans un premier temps.


Un événement en entrainant un autre, Khalil (son meilleur client) demande à Sebastian de l’emmener jusqu’à La Paz, un voyage de près de 3 000 km. Pourquoi cela ? Parce que Khalil, pour raison de santé, ne peut pas envisager d’autre moyen de transport. Il a en particulier besoin de pouvoir s’arrêter pour soulager sa vessie plus ou moins à l’improviste. De plus, il se fait vieux au point de réellement manquer d’autonomie, il considère Sebastian comme la meilleure solution. Ceci amène à évoquer les relations entre Sebastian et Khalil qui démarrent sur le mode de la provocation. Malgré son âge, Khalil se montre autoritaire, mais Sebastian est chez lui dans sa voiture (son seul bien). Les sources de conflit vont donc se multiplier, apportant un ton grinçant et quelques situations qui font sourire dans ce film (son premier) de l’argentin Francisco Varone. Bien que d’abord réticent (il pense au voyage retour), Sebastian accepte évidemment le marché (besoin d’argent). Si parmi les multiples péripéties, certaines sont assez prévisibles, on remarque l’opposition musicale. Sebastian est un amateur du groupe de rock Vox Dei dont il possède plusieurs enregistrements. Khalil apprécie une musique aux sonorités orientales. Le spectateur a donc droit à une opposition qui ne se limite pas à un conflit de générations, alors que débute un road-movie dont l’étape principale apportera une vraie surprise. En effet, pour Khalil, La Paz n’est qu’une destination de transit.


Outre l’opposition de caractères entre Sebastian et Khalil, le voyage apportera diverses péripéties plus ou moins inattendues. On se doute bien de ce que deviendront les relations entre Khalil et Sebastian, car ce dernier manque singulièrement de caractère par rapport à son client. Ce n’est sans doute pas un hasard si Sebastian vit avec Jazmin, jeune femme aux rêves ordinaires. Dans le même ordre d’idées, ce qu’on voit de Buenos Aires n’éveille aucun intérêt particulier. Un voyage ponctué de rencontres, où Khalil montre régulièrement sa capacité à imposer sa volonté à Sebastian.


Le film prend sa véritable dimension dans son aspect road-movie et les paysages boliviens apportent, avec l’altitude et leur aspect grandiose, une autre atmosphère renforcée par l’événement principal du film, lors d’une étape. Le vieil homme se révèle et entraine Sebastian dans un milieu qu’on découvre avec lui. L’envoûtement vient des gestes et attitudes, de la musique et de la ferveur qu’on observe de la part de toute une assemblée.


Un road-movie pour lequel les qualités l’emportent à mon avis sur les défauts, et qui mérite le détour (1h32) pour sa péripétie majeure, quelques paysages magnifiques et le personnage de Khalil.

Electron
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le 26 mars 2017

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