Cannibal Ferox par Prodigy
Surfant sur la vague des films de cannibales définitivement lancée par le succès de Cannibal Holocaust, et à qui il apporta d'ailleurs lui-même sa petite contribution en 1973 avec son Cannibalis, Umberto Lenzi et ses margoulins de producteurs mettent sur pied ce succédané du film de Deodato, histoire de soutirer aux spectateurs encore sous le choc quelques lires supplémentaires. Si l'on pouvait accorder le bénéfice du doute à Deodato, dont les intentions allaient tout de même bien au-delà du simple trip hard-gore, il est difficile de témoigner de la même clémence envers un Umberto Lenzi dont la mise en scène est ici proche du néant absolu. On a connu le réalisateur de Brigade Spéciale plus inspiré. Film à la réputation usurpée (sa soi-disant interdiction dans 31 pays est une pirouette publicitaire), Cannibal Ferox est un très mauvais film, un nanar à peine distrayant ponctué de scènes horribles et construit tout entier autour de ces moments chocs. Une ode au talent du maquilleur Gianetto de Rossi, un as que l'on a notamment vu chez Fulci, et grand expert dans l'art de l'énucléation, du coupage de zézette à la machette (avec consommation immédiate, comme les nuggets c'est meilleur quand c'est chaud!) et autres joyeusetés bien craspec. La jeune femme suspendue par les seins à des crochets de boucher est encore dans toutes les mémoires, même si l'impact de cette scène est strictement graphique, Tobe Hopper ayant compris dans une séquence similaire de son Massacre à la tronçonneuse que suggérer était souvent beaucoup plus traumatisant.
Champion dans la course au dégueulasse, Ferox gomme l'aspect ethnologique et dénonciateur de Holocaust. Lenzi abandonne toute vision du cinéaste pour faire de son film un spectacle gore incroyablement débile. Horriblement mal joué, cadré par un manchot et chef-opé par un aveugle, Cannibal Ferox est un bon gros navet involontairement comique et un peu crade à partager entre potes aux estomacs bien accrochés, tant Lenzi veut par tous les moyens taper sous la ceinture et chercher l'écoeurement à tout prix, comme dans cette scène où un indien consomme des larves crues. On n'échappe pas non plus aux sempiternels meurtres d'animaux, totalement gratuits, et qui ne se justifient ici pas plus que dans les autres films du genre. Avec son générique disco improbable, son intrigue secondaire totalement inepte dont on se demande bien à quoi elle sert sinon à faire rire,Cannibal Ferox est un spectacle affligeant à la morale idiote, loin du spectacle déviant vanté par beaucoup et notamment les éditeurs de DVD. Choisissez d'en rire, car après tout, comme disait la bande-annonce de La dernière maison sur la gauche : "Dieu merci, ça n'est qu'un film". Oui, et féroxement nul...