Il y a quelque temps que j'ai eu envie de regarder ces fameux films "chocs", c'est intéressant de voir jusqu'où on peut aller dans le cinéma. J'ai donc regardé Salò ou les 120 Journées de Sodome de Pasolini, et je n'ai pas été déçu, au contraire. Tant mieux alors, on peut faire du cinéma ultra violent, presque impossible à regarder, avec un fond intéressant. Et puis il y a Cannibal Holocaust, et là c'est une autre histoire.
Je n'ai pas regardé de films de cannibale auparavant, c'est le premier, mais je ne sais pas si c'est réellement nécessaire pour la compréhension de celui-ci.
Donc Cannibal Holocaust. Le film dont j'ai beaucoup entendu parler, avec ses rumeurs lorsqu'il était sorti à l'époque, son ultra-violence, etc.
Et bien, y'a vraiment de quoi être déçu. Pas pour la violence, ça on est servit.
Bon je vais résumer très rapidement, une équipe de journalistes américains partent en Amazonie (l'Enfer Vert) pour filmer des tribus cannibales. Contre toute attente ils disparaissent, on décide alors de monter une expédition pour les retrouver. Un anthropologue par en Amazonie, accompagné d'un guide psychopathe et cocaïnomane ainsi que par l'homme de main de ce dernier. Ils retrouvent alors les dépouilles et les bandes magnétiques des caméras. Après les avoir récupérées ils retournent donc aux États-Unis en possession des bandes, le journal dans lequel travaillaient les journalistes voulant diffuser un documentaire à partir des images tournées, et l'anthropologue pensant que ces images sont d'une grande valeur scientifique. On est ensuite spectateur des images tournées par les "journalistes" qui sont montées. Finalement le documentaire ne sera pas diffusé car beaucoup trop violent.
Oui trop violent parce que en fait ce ne sont pas réellement des journalistes, mais plutôt des espèces de baroudeurs amateurs de violences gratuites, connus pour leurs captations d'images extrêmes appréciées par la télé.
Le point de vue du film n'est pas inintéressant en règle général, notamment à ce propos là, fustigeant le journalisme qui se vautre dans la projection d'images violentes pour attirer plus d'audience. Si aujourd'hui cela nous semble complètement normal, surtout pour les générations plus jeunes, nées avec internet où on trouve à foison ce genre d'images choquantes pullulent. Là pourquoi pas, mais intellectuellement ça ne fonctionne pas. Parce que des animaux ont réellement été tué durant le tournage, et surtout gardé à l'écran (je vous passe les détails, ça ne vaut pas le coup, mais ce sont des images très longues et dans l’excès).
La seule chose qu'on peut retenir de ces images est la violence gratuite de celle-ci, car elles ne servent absolument à rien au déroulement du récit, et pire, elles desservent le propos du film (je n'ai même pas envie de parler de cette espèce d'ironie tout au long du film qui fait à peine sourire). Le film devient tout simplement ce qu'il critique, une proposition à la contemplation d'une violence gratuite et malsaine.
Ce n'est pas non plus seulement le seul propos du film, qui interroge sur ce que cela veut dire que d'être civilisé (la phrase de Lévi Strauss "le barbare est celui qui croit en la barbarie" me semble assez appropriée pour le propos du film à ce sujet), ainsi que sur la barbarie et l'impérialisme du l'Occident. Là encore une fois le propos n'est pas dénué d'intérêt, mais le film le dessert complètement encore une fois.
Desservi par des personnages qui n'ont absolument aucun sens (les journalistes), des scènes complètement absurdes, une réalisation assez pauvre, une lourdeur et un manque de finesse dans les propos exprimés, et surtout cette violence gratuite inutile (parce que si ça peut-être marrant, là ça ne l'est pas).
Au final au lieu d'un film avec une réflexion violent, on se retrouve avec un film ultra-violent (dans la gratuité, car celle-ci n'est pas justifiée finalement) avec au final une réflexion qui passe à la trappe. Le réalisateur à sûrement bien plutôt eut envie de réaliser un film dégueulasse (y'a pas d'autres mots) et de surfer sur un coup d'éclat grâce à des images extrêmes (ce qu'il a malgré tout d'une certaine manière réussi).
Cela nous pousse à réfléchir sur les limites du cinéma, et sur ce qu'il peut montrer. Et non le cinéma ne peut pas tout montrer, et non ce n'est pas la réalité. Je ne dis pas que le cinéma n'a rien à voir avec la réalité, au contraire, mais ce n'est pas filmer la réalité (la pornographie ce n'est pas du cinéma). Tuer un animal devant la caméra pour son film, c'est dégueulasse, encore plus si le plan dure plusieurs minutes. Et ceux qui crient au génie seront les mêmes qui dans le futur crieront au génie quand on tuera réellement des personnes dans les films (espérons que cela n'arrive pas tout de même).
Bref le cinéma ce n'est pas ça.
Je tiens à soulever également une différence à mon avis qui n'est pas assez saisies par un certain de nombre de personnes. La différence entre l’obscénité et la subversivité. Cannibal Holocaust n'est pas subversif, il est obscène. Pas tellement dans son fond, mais plutôt dans sa forme. Il aurait très bien plus être subversif, mais il préfère tomber dans une malhonnêteté intellectuelle assez criante, pour terminer en une espèce de dégueulasserie picturale.
Et il n'est pas impossible de réaliser des films choquants subversifs (par exemple Salò ou les 120 Journées de Sodome). Mais là juste non. C'est un film que je déconseille parce que c'est juste un mauvais moment à passer au final, on n'en ressort pas très élevé, sauf si on est réellement intéressé au point de subir ce genre d'arnaque que certains célèbrent (et c'est grave à mon sens).
Cependant mention spécial au compositeur Riz Ortolani qui réalise une bonne B.O. à mon sens, avec un thème principal que je trouve très beau.