Captain America était l'un des premiers super-héros. Avec Captain America: First Avenger et malgré le désaccord de Stan Lee, il devient LE premier super-héros de l'Histoire et du monde Marvel.


Comme le fait le film, remontons le temps.
De l'antiquité jusqu'au Moyen-Âge, des êtres humains affiliés à des dieux, protégés par des dieux ou possédés par des dieux se livrent des batailles sanglantes et épiques, dont la guerre de Troie. Parmi eux, Achille, Hector, Enée, Pâris, Stentor, Ajax, Lynx, Nestor, Hercule, Ulysse et bien d'autres. On les appelle "héros", c'est à dire demi-dieu. Certains personnages médiévaux comme les chevaliers sont aussi de cette catégorie. D'autres comme Robin des bois, se distinguent possédant déjà une force, une intelligence ou une habilité propre qui les distingue des "héros" et du commun des mortels. Avec la démocratisation des héros au XIXe siècle et l'avènement du roman que le critique Georg Lukacs considère comme "l'époée d'un monde sans Dieu", ce genre de nouveaux "héros" se développent et trouvent en la figure tutélaire du Zarathustra de Nietsche la qualification de "surhomme". Tout cela, Umberto Eco le montre bien mieux que moi dans De Superman au surhomme. Le "surhomme" trouve ses limites avec les surhommes négatifs comme Lupin, Zigomar, Fantômas et probablement la réutilisation du surhomme par Adolf Hitler pour qualifier les aryens. Le dernier surhomme de fiction a des manières froides, brutales, parfois cruelles mais reste un homme bon. Mais il se déguise et prend un surnom. Tout de noir vêtu, ce pistolero précoce, assimilé à un fléau de Capistrano, fine lame, se fait appeler Zorro et assume une double identité. En cela, il est le premier super-héros, c'est à dire un surhomme mais qui use d'artifices et d'une technologie trop avancée pour ses contemporain - un colt que les villageois nomment l'arme du Diable - pour secourir la veuve et l'orphelin, réparer les tords, en un mot (trois en fait) sauver le monde. Ce n'est que bien après que Superman va apporter la notion de super-héros disposant de pouvoirs surnaturels.
Zorro voit le jour en 1922. Captain America naît dès la seconde guerre mondiale, doit une vingtaine d'années après. Qu'on le dise d'une force surhumaine ou doté de pouvoirs qui lui donnent cette force, il est donc le premier "super-héros" pur sans appartenance à la catégorie des surhommes mais il est toutefois le second super-héros dans l'absolu. Il sert une propagande anti-nazie et on l'oppose toujours à Red Skull, l'incarnation de l'ennemi nazi dans son ensemble. Alors, surhommes et super-héros sortent de la fiction pour se faire la guerre en possédant les êtres humains.
En 2011, Marvel décide de se ré-emparer du héros d'un de leur petit concurrent, le seul qui ait marqué: Captain America. L'idée n'est pas du goût de tous et on ne lui prédit rien d'autre qu'un four monumental. Il en sera bien autrement.


Car First Avenger prend le parti de faire du Captain le premier super-héros de l'Histoire, au nez et à la barbe de Zorro, excluant d'emblée ce dernier de son univers puisque le récit a lieu dans la réalité Marvel. Mieux, il sera le premier des Avengers, ayant rencontré le père d'Iron man, Howard Stark, qui aura fait de lui le héros que l'on sait.
Ce pari fou est rendu possible par deux choses: une excellente reconstitution de l'Amérique de l'époque de la seconde guerre mondiale, une vélléité des jeunes soldats plus forte chez un des leurs bien trop chétif qu'une expérience va transformer, une transformation plus axée sur l'acceptation progressive de l'homme en superhéros que sur une métamorphose immédiate et indiscutable et surtout beaucoup d'humour rétrospectif.


La reconstitution d'époque se fait dans le détail et jusque dans le générique de fin. Elle est à la fois physique (les costumes, les décors) et psychologique (la façon de pensée).
Elle accompagne un jeu avec le spectateur qui rend progressif la transformation de Steve Rodgers en Captain America: le bouclier préfiguré par un couvercle de poubelle, l'expérience qui le transforme mais n'intéresse personne et une plus que judicieuse reprise du caractère de propagande du superhéros au service d'une tendre auto-dérision. Captain America n'est d'abord qu'un fantoche aux gros muscles chargé de faire de la publicité pour la guerre et qui se heurtera à une armée aigrie qui le rejettera jusqu'à ce qu'il fasse ses preuves. Ce super-héros l'est avant sa transformation par sa volonté farouche et désarmante qui force le respect et l'empathie puis l'est après par son courage et son altruisme qui convaincra les plus sceptiques. C'est un super-héros résolument différent des autres super-héros Marvel, non par sa maison de Comics d'origine, non par sa date d'exercice, non par ses pouvoirs mais par son essence de super-héros qui le prédestine.


Au service de ce premier volet du Captain, une farandole d'acteurs et d'actrices tous enivrant de talent. Face au super-héros, son terrible ennemi de toujours Red Skull campé par un Hugo Weaving (Matrix) plus en forme que jamais! Un Red Skull repensé à la façon de Blofeld, la nemesis de l'espion 007, pour devenir plus insidieux, plus machiavélique, devenu le rival du dictateur Hitler et fondateur de l'Hydra, lui-même devenu l'équivalent marvelien du Spectre, groupuscule que combattra Captain America puis le Shield. L'asistant de Red Skull, Armin Zola, sorte de Mengele fictif, que le temps lui-même ne stoppera pas, est interprété par Toby Jones( Barnaby) qui ajoute sa bouille patibulaire à la galerie de méchants.
Le camp du Bien cache lui aussi ses opposants parmi les adjuvants. Tommy Lee Jones (Le Fugitif) joue Chester Philipps, l'instructeur du bataillon de Steve et son ami d'enfance, qui lui mène la vie dure avant de l'admirer. Son humour pince-sans-rire apporte dans les situations les plus extrême quelque chose d'unique:


lorsque le Captain s'apprête à sauter sur l'avion de Red Skull emmené par la jeep du commandant et de son amante Peggy Carter, il embrasse Peggy et se tourne vers Philipps qui réplique: "J'embrasse pas!".


Son meilleur ami d'enfance, Bucky, joué par Sebastian Stan (Once upon a time), est tour à tour un adjuvant et un opposant, qui le croit incapable de servir dans l'armée et semble plus préoccupé par sa copine passagère, une certaine Jenna-Louise Coleman connue pour le rôle de Clara Oswald, l'assistante du Docteur Who. Il a néanmoins la confiance du vieux Docteur Erskine, que joue Stanley Tucci (Slevin) et qui sera son principal adjuvant


jusqu'à son assassinat.


L'aidera aussi le soutien et l'amour de la belle Hayley Atwell ( Agent Carter, Antman) alias Peggy Carter qui sert au spectateur de thermomètre pour voir l'évolution en tant que héros du Captain auprès des autres personnages.
Le modifiera Howard Stark, père de Tony, que joue en bon pastiche de Downey Jr un Dominic Cooper (Fleming) inspiré
Cela sans parler des nombreuses vedettes dispersées tout le long du film: Nathalie Dormer (Elementary), Richard Armitage (saga Bilbon) et David Bradley (Harry Potter).


Le casting est épaulé par une bonne intrigue mais aussi une ingénieuse narratologie en récit cadre / récit encadré qui permet de projeté dès le début le super-héros dans notre époque actuelle dans les locaux très fermés de Nick Fury, une nouvelle fois campé à merveille par Samuel L Jackson (Star Wars)


Un excellent et immense casting, une intrigue ancienne et habilement renouvelée, autant de respect pour l'époque que d'auto-dérision du protagoniste éponyme, une épanadiplose fabuleuse, tout cela au service d'un film d'excellente qualité qui écrit la genèse du monde des Avengers. Le meilleur de tous.

Frenhofer
9
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le 16 sept. 2015

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