La Mort de la Vierge, tableau exposé au Musée du Louvre, prend vie dans Caravage, le film de Michèle Placido consacré au célèbre peintre, lors d’une scène magnifique où le clair obscur, cher à l’artiste, est admirablement reconstitué. Un tableau qui fit scandale en 1606 quand le Pape apprit que le modèle était une noyée, prostituée de son état, amie intime du peintre.
Caravage, artiste tourmenté, querelleur et débauché, amateur de jolies femmes et de jeunes garçons, voulait peindre le réel et trouvait ses modèles dans le bas monde, parmi les clochards, les voleurs et les prostituées. Il passa une partie de sa vie à fuir une condamnation à mort suite au meurtre d’un rival lors d’un combat à l’épée.
Protégé par de riches mécènes, une aristocrate amoureuse et un cardinal aux mœurs élastiques, Caravage révolutionna la peinture sacrée en dérogeant aux principes fondamentaux de l’Église qui voulaient que la religion s’adresse au peuple mais sans jamais le représenter visuellement. Loin des yeux, loin du coeur, semblaient dire les prélats bien nourris et imbus de leurs pouvoirs. La misère existe, certes, mais pourquoi la peindre ? C’était là le principal reproche que le Pape et ses sbires avaient à faire au Caravage, homme de caractère, profondément religieux, voire mystique, mais qui ne rentrait pas dans les cases attribuées aux peintres officiels de l’époque. Artiste anachronique et décrié, il devint, beaucoup plus tard, un peintre classique dont les œuvres font l’admiration des spécialistes mais aussi des profanes en art pictural.
Riccardo Scamarcio incarne fiévreusement Caravage en lui donnant une dimension charnelle assez étonnante. Les deux mécènes, superbes, interprétés par Isabelle Huppert et Michèle Placido, acteur-réalisateur, complètent un casting sans failles, où Louis Garrel, inquisiteur stylé, adversaire du peintre mais admirateur de son oeuvre, se taille la part du lion. Son visage lisse et pâle, sans aucune émotion, se superpose à celui de Caravage, souvent douloureux et grimaçant, mais débordant d’humanité.
Il manque sans doute à la mise en scène, très académique, le souffle diabolique d’un Ken Russell, la vision décadente d’un Pasolini ou la démesure bouffonne d’un Fellini, mais l’ensemble est de bonne facture.
Un beau voyage dans le temps, et dans l’histoire de l’art, qui donne envie de retourner au Louvre pour contempler les œuvres du peintre génial.