A la recherche du bon petit polar franchouillard perdu.

J’avais 2 heures devant moi, et pas beaucoup d’énergie à consacrer à un film trop exigeant. Alors, j’ai eu envie d’aller voir un bon petit polar franchouillard, voire un peu beauf, et j’espérais que Carbone corresponde à ces attentes.


Je m’attendais à trouver dans ce film des défauts que je ne pourrais pas lui reprocher, tant que l’intrigue serait bonne : entre autres choses, un panel de personnages masculins archétypaux, des personnages féminins passifs et inintéressants, une mise en scène fonctionnelle, mais plate.


Résultat des courses : je me donne raison pour les personnages masculins, beaucoup trop stéréotypés, et j’avais visé presque visé juste pour les personnages féminins (il y a en a une qui sort du lot, qui rend la fin du film « surprenante ») et sur la mise en scène (car il y a une jolie scène qui sort du lot : le face à face Magimel / Youn au milieu du film, la nuit, où le visage du premier est éclairé par une lumière bleutée, tandis que celle du second est éclairée par un réverbère : Youn est encore du côté de la légalité, tandis que Magimel est déjà passé de l’autre côté).
Tant pis, donc ; reste l’intrigue.


Au début du film, le film semble choisir la voie de la dérision, du second degré : déjà, l’idée de l’arnaque au CO2 est drôle et vraiment antihéroïque. Il y a de la maladresse : les dialogues sont trop explicatifs et très lourds, les personnages parlent comme des fiches Wikipédia. Mais cette maladresse me semblait assumée, comme si ce film avait décidé de ne pas se prendre au sérieux. 


Mais le film prend finalement une autre voie : celle de l’imitation au premier degré (et revendiqué, avec la référence explicite au Scarface de De Palma) des grands films de gangsters américains, la consistance, le souffle, et la magie en moins.
C’est dommage, j’étais dès lors plus occupé à jouer au jeu des 7 différences avec les films imités (le personnage du complice cocaïné ressemble à Joe Pesci – en moins bien, la folie de Pesci est remplacé par une hystérie agaçante ; le personnage de Laura Smet ressemble à celui de Sharon Stone dans Casino – en moins bien ; Michael Youn en expert-comptable ressemble à Tom Hagen l’avocat de la famille Corleone du Parrain – en moins bien) qu’à me laisser emporter par l’histoire.


Un film ne doit pas, selon moi, lorgner sur les chefs d’œuvre indépassables du cinéma américain : il est très probable que le film souffre de la comparaison.
Mais cela ne signifie pas pour autant qu’il n’est plus possible de faire de bons polars : ces derniers mois ont montré, avec Le Caire confidentiel ou Que Dios nos perdone (deux films qui ne sont pas parfaits, mais qui sont efficaces et qui assument une identité personnelle) qu’il existe des alternatives aux grands modèles américains.


Un peu de chauvinisme pour finir : je pense que les Français sont capables de faire de bons films policiers et qu’ils ont une patte, leurs thématiques, leur identité. L’histoire française de ce genre est si riche... Et justement, Olivier Marchal est très bon dans les histoires de filcs ripoux, par exemple.
Cependant, laissons les films de gangsters aux Américains. Il faut faire les films qu’on sait faire, et ne pas faire les films que les autres font mieux que nous.


Parce que finalement, mieux vaut un bon petit polar franchouillard et un peu beauf qu’une contrefaçon sans âme.

TomCluzeau
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le 10 nov. 2017

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Tom Cluzeau

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