Carol
6.9
Carol

Film de Todd Haynes (2015)

A toutes les femmes qui se sont aimées, avant…

On ne peut que sentir sa gorge se serrer à l’idée qu’on ait pu si longtemps (qu’on puisse encore si souvent !) considérer l’amour entre deux êtres comme immoral. Chaque fois, je me dis « non ?! ». Mais si…
Si les mots justes ne sont pas toujours trouvés à mon goût ; la faute au scénariste, à l’adaptation en VF ou aux actrices, au moins on peut dire qu’il émane du film une vraisemblance qui permet d’y croire. Les postulats font du bien : on peut être amoureux d’une personne de notre sexe sans s’être jamais envisagé homosexuel-le. On peut être homosexuelle et une femme complète, une mère aussi.
Pour moi, ça aura été difficile de m’attacher à Carol, tellement lointaine, et de croire complètement à Thérèse… La relation me semble crédible, avec ses non-dits du début, ses approches déguisées et ses découvertes. Mais c’est plutôt grâce au scénario qu’aux deux personnages… J’ai trouvé Thérèse un peu nigaude avec son fiancé imposé (lui-même assez nouille, au passage). J’ai eu du mal à admettre qu’elle demeure si longtemps passive, et lui soupirant pendant ce temps-là. Le mari de Carol est plus convaincant, reflet d'un patriarcat encore indiscutable mais peut-être en fin de course .
Finalement, c’est l’histoire (les problématiques, leur traitement…) qui m’a le plus séduite. D’abord parce que les trajectoires particulières permettent de nous rendre compte d’un « air du temps ». D’ailleurs, les décors et l’atmosphère en général fonctionnent bien. Mais surtout parce que la morale qui transpire des personnages secondaires et la loi présentée dans le cadre du conflit juridique entre Carol et son mari nous éclairent. Cela donne de la profondeur et du sens aux comportements des deux femmes. Le cadre social opposé à la situation des personnages rappelle à tous que la société ne peut pas discriminer et discréditer une population et lui reprocher dans le même temps de ne pas s’intégrer. Quand Carol se révèle homosexuelle, on rejette sa différence, mais quand elle veut être une mère présente comme les autres, on lui refuse ce droit… Pas d’issue pour être pleinement qui l’on est. Pas de place pour vivre sa singularité…ou seulement dans l’exil d’un road trip forcément éphémère.
La résignation de Carol face à la garde de sa fille est un bon choix scénaristique. On n’échappe pas à son temps et Carol se rend à l'évidence, considérant que c’est ce qu’il y a de mieux pour son enfant. Elle se contentera de visites régulières. On aurait eu du mal à croire à mieux… Les retrouvailles finales elles aussi sont réussies. Non pas parce qu’elles nous racontent que l’amour triomphe toujours de tout, mais parce qu’elles nous apprennent que si la liberté à un prix (et elle est chère !) il faut qu’elle ait un sens. Se reconnaître (et être reconnus) au milieu de tous, telles les héroïnes à la fin du film. Être libre d’aimer qui l’on aime, c’est le premier de nos droits à exercer et pour lequel se battre… Dont acte, Kate Blanchett !

Pikenikdouille
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le 28 mai 2018

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