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Un film qui donne envie d’aimer

Sorti en 2015 et réalisé par Todd Haynes, Carol c'est l'adaptation d'un roman (que je n'ai pas lu) de Patricia Highsmith, une autrice dont les romans on été adaptés maintes fois au cinéma. Les exemples les plus connus sont L'Inconnu du Nord-Express adapté (très librement) par Alfred Hitchcock, ainsi que Le Talentueux Mr Ripley, adapté une première fois par Renée Clément (Plein Soleil avec Alain Delon) puis une seconde fois par Anthony Minghella (celui avec Matt Damon et Jude Law). En têtes d'affiches, on retrouve ici Cate Blanchett et Rooney Mara. Et si Cate Blanchett est l'une des actrices fétiches de Todd Haynes (déjà vue dans I'm not there), c'est une première pour Rooney Mara avec ce réalisateur et je dois dire qu'elle crève l'écran ici. Elle a d'ailleurs reçu le prix d'interprétation féminine à Cannes pour ce rôle.

Carol, c'est quoi ? Hé bien, Carol c'est un drame romantique qui se déroule dans les années 50, dans une Amérique conservatrice et à une époque où les femmes n'ont pas le droit à la parole et encore moins de faire ce qu'elles veulent. On suit alors Carol (Cate Blanchett), une femme de la haute classe américaine qui est mariée et mère d'une petite fille. Elle va alors tomber amoureuse de Therese (Rooney Mara), une jeune vendeuse passionnée de photographie et vivant de façon très modeste. Le rapprochement entre les deux femmes ne va se faire sans heurts, à une époque où l'homosexualité est généralement considérée comme une maladie mentale. Déjà que Harge (Kyle Chandler) le mari de Carol ne voyait pas d'un bon œil la relation de sa femme avec son amie Abby (Sarah Paulson), l'arrivée de Therese dans la vie de sa femme finit par le convaincre de demander le divorce et la garde de leur fille. Carol se retrouve face à un dilemme, doit-elle aller au bout de ce coup de cœur absolu, au risque de perdre la garde de alternée de sa fille ? Et pour Therese qui est promise à un homme qui veut l'épouser, doit-elle risquer de tout perdre pour vivre pleinement sa relation avec Carol ?

Devant Carol, on pense forcément à un autre film de Todd Haynes, Loin du paradis (2003), dans lequel on suivait une mère et femme au foyer de la classe moyenne américaine, interprété par Julianne Moore (l'autre actrice fétiche de Todd Haynes), qui découvre que son mari est homosexuel. On retrouve aussi ici la direction artistique et la beauté plastique de May November (2023), le dernier film en date de Todd Haynes que j'ai beaucoup aimé. Carol est un film qui allie profondeur des sentiments et beauté de l'image (la photographie du film est sublime). Todd Haynes travaille la forme et le fond, qui sont indissociables dans l'appréciation de son cinéma. La forme épouse le fond, quoi ! Ainsi, Carol et Therese ne peuvent pas afficher leur relation, alors Todd Haynes les filme avec beaucoup de distance. La caméra s'attarde sur les regards, sur les gestes, ou à travers un miroir qui amplifie les reflets et la lumière. Chaque plan est recherché et travaillé et surtout, chaque plan a un sens.

Et bien sûr, on retiendra aussi la performance des deux actrices têtes d'affiches, Cate Blanchett et peut-être même plus encore celle de Rooney Mara. Pour Cate Blanchett, ce n'était pas la peine de me faire la promotion, j'étais conquis d'avance. C'est pour moi l'une des meilleurs actrice de sa génération, avec Kate Winslet et Naomi Watts. Pour Rooney Mara, qui est madame Joaquin Phoenix à la ville, c'est la grande révélation de ce film. Je l'avais déjà beaucoup appréciée dans Effets Secondaires de Steven Soderbergh (film très sous-estimé) et dans le Millénium de David Fincher, mais là elle se révèle encore plus. Entre les deux actrices, tout se joue dans les regards et elles ont un regard très intense.

Aprés je dois l'admettre, Je me suis un peu ennuyé par moments. le film est lent et possède certaines longueurs, alors que pourtant il n'est pas si long que ça (un peu moins de deux heures). Mais j'ai l'impression que cet ennui, c'est un mal nécessaire. Carol, c'est un film très sensoriel et contemplatif, qui nous fait ressentir la pesanteur (et la gravité) des sentiments. Le scénario est alors secondaire et peut manquer peut-être d'épaisseur/profondeur, même si on peut y voir de nombreux sous-textes. Le film normalise une relation lesbienne, mais on peut aussi y voir une femme qui essaie de s'élever socialement. Et puis la scène finale, qui répond à la scène d'ouverture film, est magnifique et mérite à elle seule de voir Carol.

Créée

le 7 avr. 2025

Modifiée

le 7 avr. 2025

Critique lue 20 fois

lessthantod

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