Parmi les nombreuses adaptations de Stephen King au cinéma, Carrie figure parmi les plus réussies. Ce film a très certainement validé l'auteur comme étant une valeur sûre, mais il a également permis à Brian de Palma de se remettre de l'échec commercial de Phantom of the Paradise et de s'affirmer comme un des réalisateurs les plus talentueux de sa génération.


L'histoire met en scène des personnages assez clichés, il faut bien le reconnaître. Difficile de s'attacher à l'archétype du bouc émissaire, de la garce insupportable et de la fille qui cherche à se faire pardonner. Pourtant, Brian de Palma arrive à les faire exister en prenant du recul dans sa manière de les montrer. Et ce recul, c'est le même que l'on a lorsqu'on retrouve des choses que l'on a écrites plus jeune qui nous paraissent aujourd'hui naïves et/ou immatures. Par conséquent, Tommy qui charme Carrie avec son sourire niais, les cruches de la classe qui sont obsédées par le bal de promo, Sue qui n'arrive pas à expliquer pourquoi elle veut aider sa camarade, tout ça j'y crois, parce que cela témoigne à la fois d'une futilité et d'une innocence vraies.


Ainsi, j'ai vraiment vu le film aux côtés de Carrie. L'empathie s'est révélée forte pour la raison que je viens d'expliquer mais aussi grâce à l'interprétation de Sissy Spacek. Cette dernière possède le physique et le charme nécessaires pour incarner l'héroïne, et fait en plus preuve d'un jeu parfait, que ce soit dans la douceur ou la folie. Par conséquent, l'arrivée au bal était un moment magique, en particulier le plan-séquence où elle danse avec son cavalier. Je vois les lumières de plusieurs couleurs différentes comme la métaphore de toutes les sensations qui envahissent la jeune femme, qui virevolte dans les bras de Tommy tandis que la caméra effectue un travelling circulaire en sens inverse. C'était réellement beau.


Et c'est d'autant plus déchirant de voir le plan de Chris se dérouler comme prévu. De Palma fait une fois de plus référence à Hitchcock en proposant une mise en scène grandiloquente, composée entre autres d'un magnifique travelling suivant la corde rattachée au seau et d'une ombre portée de Chris absolument glaçante. On remarquera que le bourreau prend un plaisir quasi orgasmique à humilier Carrie, ce qui s'inscrit dans le thème de la sexualité qui, accompagné du thème de la religion, se déploie tout le long du film. Ils reviennent explicitement ou implicitement dans énormément de séquence. Ils serait inutile de les énumérer, mais on retiendra celle qui se déroule dans la maison des White lors d'un dîner éclairé à la bougie. Elle fait preuve à la fois de dureté et de mysticisme, ce qui rend les paroles échangées terriblement marquantes.


Beaucoup de personnes pensent que Carrie a vieilli. Selon moi, les éléments pouvant paraître ridicules aujourd'hui se mélangent aux éléments volontairement kitsch à la sortie du film, ce qui fait que l'ensemble reste homogène. De plus, le recul que prend Brian de Palma permet un autre niveau de lecture, pas du second degré mais quelque chose au delà du sérieux et de la réalité telle que nous la connaissons. De ce fait, Carrie est en quelque sorte immuable, imperméable au changement de regard des spectateurs futurs. Et un film qui ne prend pas de rides, c'est ce que l'on appelle un classique, n'est-ce pas ?

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le 10 janv. 2016

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