Ce n'est qu'un au revoir
6.9
Ce n'est qu'un au revoir

Documentaire de Guillaume Brac (2024)

On peut considérer que ce court long-métrage, d'une durée de 63 minutes, forme un diptyque avec le moyen-métrage, Un pincement au cœur, d'une durée de 38 minutes. Non seulement parce que les deux œuvres sont projetées l'une après l'autre, parce que ce sont deux documentaires, mais aussi parce que Guillaume Brac y aborde la fin de l'adolescence (on suit des lycéennes lors de leurs tout derniers jours dans leur établissement scolaire !) et l'entrée prochaine dans l'âge adulte à travers des portraits féminins.


Si sur l'aspect techniquement visuel, elles ne distinguent guère l'une de l'autre, avec ses plans fixes, pour gêner le moins possible nos protagonistes de la vraie vie, pour ainsi mieux capter des paroles et des gestes authentiques, il y a quand même deux différences bien notables. D'abord, autant les deux jeunes filles d'Un pincement au cœur n'ont aucune inhibition à se livrer face caméra, autant les confessions des quatre jeunes filles, que l'on suit dans Ce n'est qu'un au revoir, passent d'une manière plus distante, peut-être plus confortables et plus intimes pour elles, à savoir par l'intermédiaire d'une voix-off. Ensuite, on change totalement de cadre géographique puisque l'on n'est plus dans le nord de la France, à Hénin-Beaumont, mais dans le sud du pays, dans le département de la Drôme.


Alors, comme susmentionné, l'ensemble se concentre principalement sur quatre jeunes filles (il y a un chapitre filmique consacré à chacune d'entre elles !). Si quelques comportements d'adolescentes font leur apparition quand elles sont dans leur internat (je vais y revenir plus loin !), leurs propos sont admirablement mâtures et profonds, sachant s'exprimer d'une façon claire (on sent un gros bagage culturel, comme quoi toute la génération Z ne se bousille pas forcément le cerveau avec TikTok !), qui peuvent se montrer sincèrement et énergiquement engagées dans des causes écologiques. Pour l'une d'elle, il y a le souhait de vivre une utopie babos, mais sur un ton tellement désabusé que l'on se doute qu'elle ne fait pas d'illusions quant à ce rêve d'avenir, et pour toutes, il y a des interrogations quant à la durabilité des amitiés de lycée.


Mais chacune parle surtout de sa situation familiale (mes souvenirs de projection étant lointains, je ne sais plus qui a dit quoi, désolé !). L'une regrette de ne pas avoir pris le temps de connaître sa sœur ainée, disparue au cours d'une randonnée, dont, avec le recul, elle admire le caractère de farouche indépendance. De plus, elle aborde le fait qu'elle était moins gênée par ce décès que ses camarades de classe qui ne savaient pas comment se conduire à son égard. L'une est peinée par le fait que son père, d'un naturel viscéralement nomade, se soit sédentarisé pour l'élever, se rendant ainsi malheureux. L'une qui reproche à ses parents de l'avoir mise au monde, tout en étant reconnaissant à leur égard de lui avoir inculqué de belles valeurs. Et l'une qui a demandé à rester à l'internat, car elle ne supportait plus la morosité qui régnait dans le foyer familial.


Bref, des types de problèmes qui peuvent toucher tout le monde, auxquels on peut s'identifier et qui rendent, en conséquence, nos jeunes gens très attachants.


Pour celles et ceux à se poser des questions sur la mince frontière entre fiction et documentaire, il y a eu quelques séquences jouées, selon l'aveu même du réalisateur (il était présent à l'avant-première lors de laquelle j'ai vu le film, critiqué ici, et Un pincement au cœur ; au passage, je tiens à souligner que c'est un Monsieur aussi sympathique et passionnant que ses œuvres !), notamment pour ce qui est des comportements d'adolescentes. La séquence durant laquelle les jeunes filles tentent de pénétrer dans le dortoir des garçons par une passerelle ou celle pendant laquelle elles s'amusent à glisser dans les couloirs de l'internat avec leurs matelas sont jouées (ou sûrement rejouées !). Le lycée avait donné son autorisation à la seule condition que les fautives se fassent griller (pour l'anecdote, durant la séquence de la passerelle, lorsqu'une surveillante balance sèchement aux effrontées qu'elles ne lui manqueront pas, ça venait du fond du cœur !). Il n'empêche, le naturel qui se dégage de ces scènes font qu'elles ne détonnent pas du tout dans le film.


En effet, Brac est toujours très talentueux pour tirer une grande justesse de ses interprètes, aussi bien dans le documentaire que dans la fiction. Ce qui fait que, comme tous ses autres films sur ses thèmes de prédilection (la jeunesse, l'adolescence !), Ce n'est qu'un au revoir touche autant par sa fraîcheur et sa tendresse que par sa vérité.




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le 1 avr. 2025

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Plume231

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