"Céleste" retrace les derniers moments de la vie de Marcel Proust, invalide et alité, à travers les yeux de sa domestique, Céleste Albaret. Le film (allemand) est d'ailleurs une adaptation des mémoires de cette dernière, qui fut au chevet de l'écrivain de 1914 à 1922, jusqu'à sa mort. Moralité : il est mort alité (© Si rien ne bouge).
Ce qu'il y a de décevant dans ce film très vaguement biographique, c'est qu'il s'agit plus d'une histoire quelconque entre deux amis, l'un veillant sur l'autre à la fin de sa vie, plutôt que de l'histoire entre Céleste Albaret et Proust. Le rythme lent et le style blême (à l'image de l'auteur dans ses derniers moments) convenaient pourtant particulièrement à ce genre de récit : peu d'émotions directes, une étrange distance teintée de promiscuité entre les deux personnages rendue tangible grâce à un décor claustrophobique, l'appartement exigu de l'auteur, autant de caractéristiques qui siéent à une histoire de fin de vie. Est-ce le fait qu'il s'agisse d'un film allemand, détonnant quelque peu avec la nationalité des personnages en question ? Est-ce l'interprétation trop affectée de Jurgen Arndt dans le rôle de Proust (par opposition à celle d'Eva Mattes dans le rôle-titre, très naturelle et assez convaincante) ? Difficile à dire.
Le personnage de Céleste reste cependant très intéressant, à la fois femme de ménage, secrétaire et presque muse de Proust alors qu'il écrivait les derniers fragments d'"À la recherche du temps perdu". Il y a aussi un travail d'adaptation ambitieux, puisqu'on analyse ce film à la lumière de son objet : on peut ainsi y voir une tentative de combler l'espace qui sépare la littérature et le cinéma, pour un résultat plutôt mitigé. La description des rituels quotidiens n'est toutefois pas exempte d'un certain charme "début de 20ème siècle", très détaillée dans les gestes et dans les sons, entre les habitudes de l'auteur en matière de sommeil et d'alimentation et le travail de tous les instants de sa domestique. "Céleste" aurait sans doute été plus percutant si les aspects liés à l'écriture du roman (au crépuscule de sa vie) et à la nostalgie du temps où il appartenait à la haute société avaient été mieux exploités, mais le film se serait appelé probablement "Marcel"...
[Avis brut #61]