Dans le registre de la "fameuse" comédie populaire mi-familiale, mi-sociétale, la trilogie "C'est quoi ce... ?!" a indiscutablement plus de "classe" que des choses comme "Qu'est-ce que j'ai fait au Bon Dieu...", au moins par son désir de prendre en compte les tendances importantes de notre époque, sans jeter sur elles un regard condescendant, paternaliste, voire réactionnaire, comme il est souvent de mise dans ce genre-là de cinéma français.
La famille recomposée permet bien entendu une multiplication des stéréotypes qui a plus une allure de catalogue exhaustif, voire de "panel sociologique" que de collection de véritables personnages auxquels on s'intéresserait vraiment, et c'est quand même dommage, car on sent qu'il y a plusieurs sujets potentiels qui sont finalement soit seulement effleurés, soit complètement ignorés : la foi religieuse, qu'elle soit chrétienne ou musulmane, la bisexualité assumée, et sans doute plus essentiel en ce moment, le rapport à l'autorité étatique / policière.
Car la France qu'on nous montre ici est celle du "grand écart" : d'un côté "C'est quoi ce Papy ?!" a le mérite de nous montrer avec honnêteté la situation actuelle, la famille recomposée, le multiculturalisme, la mutation des rôles des parents face à des enfants avant tout interpelés par les grands défis actuels, comme l'écologie. Et d'un autre, malheureusement, le film n'échappe pas aux clichés les plus usés sur une campagne magnifique, un mode de vie traditionnel à la ferme avec des valeurs profondes, des fêtes populaires où se manifeste une sorte de solidarité, et sur l'inévitable confrontation entre les bobos parisiens irresponsables et décalés et le "bon sens bien de chez nous". C'est irritant, car cela dénote un manque de courage politique, une volonté de consensus mou certes induit par la nécessité du succès commercial, mais qui empêche le "vrai cinéma" d'advenir.
Heureusement, il nous reste les acteurs, et autant Chantal Lasedou en grand-mère indigne que le toujours brillant Patrick Chesnais en ex-soixante-huitard racorni sont impeccables, et portent le film à bout de bras. Empêchant finalement que l'on sorte de là trop frustrés.
PS : Et puis, un réalisateur un peu plus courageux que Gabriel Julien-Lafferrière aurait remplacé la scie de Joe Dassin dans la scène-clé de la séduction finale par "Anti-social" de Trust, qui - immense frustration - nous est seulement suggéré avant que la petite bande ne fasse demi-tour. Comme quoi, en France, le Rock fait toujours peur. Et, même si nos enfants n'ont jamais entendu parler des barricades de Mai 68, c'est peut-être une bonne nouvelle, finalement.
[Critique écrite en 2021]