Ma critique se fonde sur la version des années 50 commentée par Guitry, et non uniquement sur le court de 1914 qui présentait les artistes de l'époque.

D'abord, il y a la volonté, le fond. Le désir de Guitry d'utiliser le cinématographe à des fins documentaires, afin de montrer en "images qui bougent" des artistes dont il pense qu'ils marquent leur époque (Degas, Anatole France, Saint-Saëns, ...) et qu'il considère comme "le must", n'hésitant pas à se présenter avec honneur et orgueil comme leur ami, du moins pour certains. Il y a là une volonté qui n'est pas absolument nouvelle il me semble, mais qui est forte, d'ancrer le cinéma dans le réel et le sortir de la fiction, d'un cadre construit. D'un point de vue formel, ces scénettes n'ont en effet rien de mémorables, c'est la volonté de leur création qui leur donne tout leur intérêt. Il y a aussi, comme le dit Guitry, le plaisir de voir ces artistes en action, chose qu'il eut voulu pouvoir observer, par exemple, chez Shakespeare ou Voltaire. C'est d'ailleurs à partir de cette frustration qu'il décide de réaliser "Ceux de chez nous", espérant éviter ce sentiment à ses spectateurs.

Bien sûr, réduire l'Histoire (car il s'agit de ça) à ses grands personnages, artistes, politiques ou autres, c'est réducteur et incomplet. Mais il ne me semble pas que Guitry prétende immortaliser une époque, il est plus modeste et n'entend qu'en présenter un fragment qu'il a l'occasion de filmer, pas plus, et de partager cette chance de connaître ces artistes avec le public. Il est intéressant de voir la perception de l'époque du cinématographe, qui existe pourtant depuis quelques décennies. Alors que Guitry filme, c'est, il me semble, Rodin qui lui demande de lui dire quand il prendra la photo afin qu'il arrête son travail, mouvement que désire justement immortaliser Guitry.

Enfin, il y a le ton du commentaire de Guitry, très drôle, assez cynique et n'hésitant pas à pourfendre ceux qui n'auraient pas reconnu le génie de ses sujets, avec quelques phrases bien senties. Le commentaire de Guitry, au-delà du court-métrage et des scènes présentant les artistes, a donc l'avantage du recul et de l'explicitation de sa démarche, mais pas seulement, il y a ce ton qui vaut pour lui-même.

L'expérience de voir uniquement le court-métrage n'est sans doute pas la même, l'idéal étant sans doute de voir les deux objets pour les mettre en lien.
Flavinours
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le 12 mars 2014

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Flavien M

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