Réalisé par Yasuhiro Aoki, ChaO est un film japonais mêlant romance et fantastique dans un Shanghai futuriste et féérique. L’histoire suit un jeune homme ordinaire contraint d’épouser une princesse sirène, embarqué malgré lui dans un univers absurde où chaque recoin semble défier la logique. Sous une couche de chaos apparent se déploie pourtant un récit plus construit qu’il n’y paraît, porté par un humour lunaire et une inventivité visuelle débridée.
Ce qui frappe d’abord, c’est la liberté totale du projet. L’œuvre explose les codes avec une jubilation manifeste. Rien ne semble interdit : l’absurde règne, les idées fusent dans tous les sens, et l’on sent une volonté de repousser les limites de la narration classique. L’humour fait mouche, souvent à contre-courant, et finit par dégager des thématiques plus profondes, insoupçonnées dans les premières minutes. Le style graphique, lui aussi, tranche net avec ses variations de proportions extrêmes. Elle fait preuve d’une inventivité constante, et l’univers visuel, saturé de détails, impose une forte personnalité.
Mais cette richesse visuelle et narrative a un revers. Le film ne laisse aucun temps mort. L’enchaînement effréné des idées, souvent mal raccordées, finit par épuiser. L’inconfort visuel s’ajoute à une structure narrative qui demande une certaine patience. Le rythme, frénétique, ne ménage ni le spectateur ni ses propres enjeux, et laisse parfois une impression d’indigestion. Le format de 90 minutes paraît trop court pour absorber autant de propositions, et l’ensemble donne un sentiment d’instabilité constante, où l’équilibre technique ne parvient jamais à se poser.
Malgré ses déséquilibres, l’expérience reste marquante. Le film ne cherche jamais la facilité, ni l’adhésion immédiate du public. Il avance avec une audace implacable, assumant ses excès comme ses fulgurances. ChaO divise, déroute, secoue — mais il ne triche pas. Pour ceux qui acceptent le voyage, c’est une proposition singulière, dense et foisonnante, qui mérite d’être découverte, ne serait-ce que pour la radicalité de son geste artistique.