A l'instar d'un roman grotesque où la haute société, cloîtrée dans ses tours de verre, déciderait de s'embarquer pour une expédition nautique, ce documentaire nous convie à un spectacle désolant où l'humanité semble avoir pris la direction d'un gratte-ciel horizontal flottant, bardé de piscines, casinos et restaurants, comme autant d'illusions d'un bonheur factice. On pourrait croire que ces fiers citoyens, adeptes du confort vertical, profiteraient enfin d'un bol d'air marin. Que nenni. La ville flottante s'apparente à un microcosme de consumérisme compulsif, un faux havre de détente où la promiscuité et la surstimulation règnent en maîtres, et où la liberté s'échange contre une servitude en forme de cocktails et buffets à volonté.

Mais voici que survient l'incendie fatal : le circuit électrique flanche, les groupes électrogènes succombent et, avec eux, toute la chaîne sacrée du confort moderne s'effondre. L'air conditionné trépasse, les sanitaires se transforment en chimères, et le sac rouge, humble sac plastique, s'élève au rang de monstre épouvantable. Quelle apothéose comique ! Le spectacle d'adultes outrés, prêts à déchaîner l'enfer pour un petit désagrément sanitaire, donne à cette croisière l'allure d'un remake de Poltergeist, où le vrai mal serait... un simple sac pour recueillir leurs déjections.

A voir ces héros de la civilisation hyperconfortable, réfugiés dans leurs angoisses dignes des pires films d'horreur, on se surprend à rire – jaune, certes – devant tant d'immaturité collective. A l'image d'une humanité qui, subitement débranchée de sa matrice électrique, se révèle incapable de faire face à la rudesse élémentaire d'un retour à la nature, ces croisiéristes semblent condamnés à périr sous le poids de leur propre fragilité.

On imagine sans peine que, si l'océan décidait de leur offrir un vrai retour aux sources, loin des palaces flottants, nombreux seraient ceux à sombrer avant même d'avoir trouvé le courage d'ouvrir un sachet rouge. Ce documentaire, loin d'être un voyage introspectif, s'apparente davantage à une farce involontaire où l'homme moderne se noie dans un verre d'eau, ou plutôt dans un sac plastique. Une expérience désolante qui, sous couvert de divertissement, dresse le portrait d'une civilisation fatiguée, coupée de la réalité, et effrayée par un simple acte d'hygiène dégradée.

Bref, on passe du gratte-ciel vertical à la cage dorée flottante pour se retrouver prisonnier d'un cauchemar hygiénique sans fuite possible, où la panique règne dès qu'on ose briser le pacte de confort illusoire. Un chef-d'œuvre de l'absurde contemporain, mais surtout un miroir cruel et moqueur tendu à une société dont la résilience face à la moindre contrariété ferait honte à un survivant de film catastrophe.

Genifair
1
Écrit par

Créée

le 1 juil. 2025

Critique lue 166 fois

4 j'aime

Genifair

Écrit par

Critique lue 166 fois

4

D'autres avis sur Chaos d'anthologie : La croisière ne s'amuse plus

Du même critique

Les Dossiers oubliés
Genifair
3

Nordic Noir, version slow-burn sous Lexomil

Il est troublant, presque vexant, de constater à quel point cette œuvre, qui se targue d’embrasser la noble tradition du polar nordique, ne fait que trahir son essence la plus élémentaire. Ce que...

le 5 juin 2025

9 j'aime

Black Doves
Genifair
3

Critique de Black Doves par Genifair

J’ai commencé à regarder Black Doves avec beaucoup d'attentes, attirée par le genre espionnage. Pourtant, dès le premier épisode, j'ai été un peu déconcertée. La série met en avant des relations...

le 6 déc. 2024

5 j'aime