La Nouvelle vague fut plurielle et internationale et déferla aussi bien au Japon qu'aux Etats-Unis, au Brésil qu'en Angleterre. En Suisse romande, elle s'inscrivit dans le sillage de Mai 68 et fut à l'origine d'un renouveau cinématographique, hélas! éphémère, emmené par Michel Soutter, Claude Goretta et Alain Tanner. Ce dernier entamait avec son premier long métrage, sans doute le plus accessible de sa filmographie, une carrière cinématographique placée sous le signe de la critique sociale et de la remise en question du langage filmique. Avec l'inoubliable François Simon dans le rôle d'un petit patron en rupture de société, le réalisateur excelle à décrire dans un 16mm grisâtre et granuleux à souhait une société vautrée dans le conformisme et le culte de l'argent. Du cinéma fauché, tourné parfois avec des restes de pellicules récupérés à la Télévision suisse romande, témoignage d'une époque où, entre espoir et dépression, l'on refaisait le monde autour d'une table de cuisine. Une "oeuvre grave, non dénuée d'un humour corrosif" (Freddy Buache) qui n'a rien perdu de sa causticité.