Le charme discret de la violence

A voir les notes globales sur SC je me dois de faire une critique de ce film qui à mes yeux est presque parfait ... on a affaire ici à un docufiction sous forme de thriller rondement mené nous traçant une métaphore réelle du Front National ...

Lucas Belvaux démonte et nous démontre de manière simple, et non simpliste tous les rouages de ce parti extrémiste tout en ne tombant pas dans la caricature facile ... un tour de force pour un sujet délicat et difficile, son propos est sociologiquement parlant, très juste, la description qu'il fait des dirigeants, des manipulateurs et des manipulés est une critique politique mais non sociale, il a l'art de dessiner les gens simples broyés par le système.

On pourra lui reprocher d'avoir sacrifié au militantisme son approche artistique, mais là encore, il nous bluffe par une image esthétiquement soignée, une luminosité parfaite, des cadrages beaux tels qu'il nous a habitué dans ses films précédents, même techniquement il nous dit des choses, par exemple l'aube et le crépuscule avec le terril sont pour moi très parlant ...

Et que dire des personnages qu'il a mis en scène, Catherine Jacob est juste dans son rôle de cheffe, André Dussollier est subtil, Emilie Dequenne délicate, Guillaume Gouix malgré qu'il soit dur peut se montrer tendre, et Anne Marivin est hilarante, tous les personnages qu'ils soient principaux ou secondaires sont impeccables et pas du tout caricaturaux.

Certains personnages secondaires sont à peine effleurés mais nous laissent la réflexion en suspens, à nous de réfléchir sur le pourquoi de cet adolescent qui crée un blog islamophobe quand on voit les rapports violents qu'entretiennent ses parents ...

Le pari est audacieux, mais le réalisateur prend judicieusement le poids de notre époque tourmentée ... et en ce sens je pense qu'il ne prêche pas que pour des convaincus, il parviendra à faire réfléchir tous ceux qui iront voir son film subtil, intelligent, nuancé et finalement convaincre les indécis ...

... et leur faire ouvrir les yeux sur la propagande de dédiabolisation que le FN mène de manière efficace, mais Lucas Belvaux est tout aussi efficace quand il fait mettre dans la bouche d'André Dussollier cette phrase assassine qui reflète la pensée du parti : "Changer de stratégie n'est pas changer d'objectif" ... tout est dit ...