On peut aborder Chien de la casse sous plusieurs angles, ce qui en fait un film intéressant. Du point de vue ou sociologique, avec la vie de ce village français rural et les différences culturelles qui s'ajoutent aux autres, du point de vue du genre, masculin féminin, et de l'amitié masculine qui en est joliment peinte, ou encore du point de vue esthétique, avec l'errance, car on y suit des jeunes qui marchent ou qui conduisent, le manque de perspective, dans ces champs au flou lointain, la perdition, malgré l'enfermement dans ce village, dont les plans fixes des murs semblent créer une forteresse de laquelle on ne peut s'échapper... C'est donc d'abord l'ambiance du film, ses couleurs ocres et -âtres, entre chiens et loups, qui racontent l'histoire que viennent sublimer les performances des trois rôles principaux, Raphaël Quenard magnifique (Mirales), Anthony Bajon subtil (Dog) et Galatea Bellugi charmante (Elsa), et la présence à la fois libre et domestiquée de Malabar, le chien de Mirales. On pourrait dire que Dog, le surnom de François, est aussi le chien de Mirales, car Mirales a sur lui une influence totale, une toute-puissance, et que Dog obéit, mais qu,'en contrebas de cette relation verticale, une amitié sincère existe, à peine couverte par les tabous du langage viril et inexpressif associé aux hommes. Ces deux amis d'enfance, qui se considèrent comme des frères qu'aucune dispute ne peut séparer, sont paumés chacun à leur façon : Mirales, dans ses idéaux romantiques et professionnels, Dog dans sa Playstation. Les genres sont déconstruits, Mirales porte un jogging rose, fait la cuisine pour sa mère peintre dépressive, Dog, qui veut faire l'armée, est réservé, loin du discours viriliste, et il ne se dévoile que dans sa relation avec Elsa, la fille de passage au village, qui s'habille comme les mecs. En somme, tous les personnages sont comme des chiens errants, des animaux entre chiens et loups, conformément à l'ambiance du film, réunis en meute au village, sur la place qui semble être à eux, ou, quand ils sont seuls, solidaires à toute heure dès que l'un a besoin de l'autre, délaissés et blasés, que seule la réunion fait vivre, mais paradoxalement, dont seul l'éloignement permet de les faire avancer. Le montage de ces plans clairs obscurs, comme l'union des contraires ou leur complémentarité, permet cette relation sincère et sensible. Chien de la casse est un premier film magnifique, loin de Paris et loin des standards du cinéma français, un film qui sous entend, sans le dire, comme un aboiement et une queue qui frétille.