On a beau avoir toute la sympathie du monde pour lui, Chucky en était arrivé à un point de non-retour. Refusant de passer la main là où du sang neuf aurait fait un bien fou aux aventures de la poupée meurtrière (comme "La Fiancée de Chucky" en 1998), Don Mancini, son créateur et scénariste depuis le premier film, a condamné ces dernières années la saga à des DTV médiocres où les errements scénaristiques du bonhomme ont atteint une telle ampleur qu'il est devenu bien difficile d'espérer quoi que ce soit d'un nouvel opus sinon le plaisir inaltérable de retrouver la voix de Brad Dourif derrière les traits du petit tueur en salopette. Après un "Cult of Chucky" particulièrement lamentable où Mancini démultipliait Chucky dans la gêne générale (avec quelques apparitions de têtes bien connues en guise de fan-service facile), il devenait clair que la poupée et son créateur étaient à bout de souffle. Si on voulait revoir Chucky à l'oeuvre, il était temps de lui donner un sérieux coup de fouet !
Toujours aussi entêté quant au fait de ne pas lâcher la poupée qui a fait son succès, Mancini est parti de son côté créer une série lui étant dédiée et il a ainsi laissé le champ libre à une nouvelle ère de Chucky au cinéma induisant évidemment un passage obligé par la case reboot pour séduire les nouvelles générations...


Bon, évacuons déjà un des gros problèmes que la bande-annonce nous avait laissé entrevoir : oui, cette nouvelle poupée est affreuse, n'importe quelle entreprise qui sortirait un jouet avec un design pareil signerait son arrêt de mort immédiat ! Cette volonté de ne pas trancher entre la figure bien connue de Chucky et un changement radical a abouti sur une espèce de jouet à l'hybridité difforme censée être un produit que tout le monde s'arrache. Soit.
Passé un petit temps d'acclimatation à l'apparence contestable de cette poupée, place à la relecture de ses origines ! Point de Charles Lee Ray ou de Damballounet ici, le futur Chucky est en réalité un appareil high-tech connecté dont l'intelligence artificielle est méchamment défaillante. D'ailleurs, toute la première moitié du film de Lars Klevberg va s'articuler autour de la construction de la personnalité du futur tueur.
Là où le film d'origine l'établissait d'emblée et jouait avec les agissements de plus en plus nombreux dans l'ombre de la poupée possédée, "Child's Play" 2019 place rapidement le trouble animant ce Chucky électronique sous les feux des projecteurs et fait de son passage du côté obscur le point névralgique de son récit. Autant le dire, cette première moitié sera la moins convaincante du long-métrage.
Si l'on est plutôt séduit par la modernisation des personnages d'Andy et sa mère dans un premier temps, l'arrivée de la poupée et de sa "construction" psychologique déviante qui va s'ensuivre va certes réserver quelques bons moments mais le film va donner le sentiment de toujours un peu patiner. On se retrouve à suivre une évolution inéluctable vers le meurtre qui elle-même est le fruit de situations très attendues de l'influence d'Andy et de son entourage sur la poupée. "Child's Play" 2019 tente de bien dynamiser tout ça avec de l'humour (trop inégal, aïe la séquence du sourire !) et de faire monter la sauce autour du basculement de la poupée mais, tant que Chucky ne devient pas ce qu'il doit être, le film sombre dangereusement dans la répétition, voire pire, vers l'ennui...


Alors que l'on commence un peu à désespérer, Chucky décide enfin de passer à l'action et entame la deuxième moitié du film de la meilleure des manières grâce à son premier "vrai" meurtre. Dès lors, "Child's Play" 2019 retrouve un second souffle indéniable : Chucky est de retour, les enfants ! Pas celui trop bavard et fatigué des derniers épisodes de la saga, non, on est bel et bien en présence du Chucky d'une époque que l'on croyait révolue et dont la perversité et les bons mots l'ont fait devenir la poupée la plus célèbre du cinéma d'horreur. Retrouvant parfaitement l'esprit des premiers épisodes, Lars Klevberg rend donc au petit meurtrier en plastique sa panoplie de nature particulièrement vicieuse et d'exécutions grandguignolesques qui ont fait sa force et, autant de le dire, on se met à diablement bien s'amuser ! Encore mieux, les capacités hors-normes de ce nouveau modèle lui offre désormais un terrain de jeu meurtrier bien plus immense dont Lars Klevberg s'empare aussi bien pour rendre hommage très astucieusement à la fameuse vue subjective du film de Tom Holland le temps d'une séquence qu'afin d'offrir un final prometteur (à moitié tenu) d'un carnage à la démesure de l'avidité sanglante de Chucky (car, oui, sans pour autant en faire couler des hectolitres, "Child's Play" 2019 se révèle assez généreux sur ce plan). On pourra regretter une résolution et un épilogue plus convenus mais l'essentiel est là : ce reboot a réussi, au moins partiellement, à renouer avec l'esprit originel de Chucky !


Bref, alors que tout le monde présageait sans doute le pire, ce reboot tient son pari de raviver les sources du mythe Chucky là où son propre créateur paraît les avoir oublié dans les derniers opus de la franchise. Évidemment, mieux vaut garder en tête les bonnes impressions de sa deuxième partie et fermer les yeux sur les faiblesses de la première ou même l'apparence hideuse de la nouvelle poupée, ce "Child's Play" 2019 a ses énormes défauts mais il a au moins fait le job, ce qui est somme toute peu fréquent dans cette époque cinématographique où les grands noms de l'horreur ressuscitent pour trop souvent disparaître à nouveau...

RedArrow
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le 19 juin 2019

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