Ce film me fait basculer dans la catégorie des personnes qui aiment plutôt bien John Carpenter. En fait, je ne sais pas pourquoi, mais j'avais une image négative de ce réalisateur, totalement infondée.
Et là, on part sur tout ce qui pouvait me faire craindre Carpenter: une adaptation de King, un film sur des adolescents américains, tourné dans les années 80, un synopsis soooooo série B. Pourtant, le John, il nous en met plein la vue, et c'est vraiment très cool comme rendu!
Arnie, c'est le mal-aimé de l'école, qui se fait tabasser par les grands méchants de la high school lambda américaine. Sauf qu'un jour, il achète une vieille voiture. Et là: pétage de câble. Ce qui est si intéressant dans ce film, c'est qu'on a une mise en scène originale et singulière d'un scénario classique de cinéma. J'entends par là que le film dans lequel la victime inverse les rapports de force et se venge de ses bourreaux, dans lequel un personnage peu estimé découvre une arme et l'utilise plus que de raison pour tuer ou se venger... bref, cette histoire on la connaît.
Mais chez Carpenter, la musique, l'esthétisation de l'ensemble (la fumée qui entoure la voiture dans certaines scènes pour troubler ce qu'il se trame réellement "sous le capot", le rouge de Christine qui devient de plus en plus brillant, attirant, comme le personnage à l'école...), l'agréabilité des scènes de meurtre font que ce film est plus intéressant qu'un film de série B standard.
Il en devient carrément intéressant par le parallèle qui se construit entre la voiture et son nouveau pilote: ça paye pas de mine, mais le mal se révèle. Une fois lancée, rien ne peut plus l'attaquer. Et ce projet dépasse selon moi le cadre individuel: ce n'est plus Arnie et la voiture qui sont un problème, mais tout un système. À ce sujet, la première scène est parlante: on construit des voitures en série, on uniformise la pensée à l'école, sans vraiment s'en prendre aux troubles-fêtes.
Christine, ce n'est que le symptôme d'un mal-être adolescent qu'on ne sait gérer. Si le petit Arnie pète les plombs, il se réfugie dans la mécanique, ce qui est l'opposé de l'humain. Le système n'est pas fait pour s'occuper de ceux qui ont des besoins un poil différents (ici, la figure du looser de l'école). D'ailleurs, on s'intéresse au personnage principal lorsqu'il cesse d'être un looser, comme s'il n'était plus à sa place: quand il pécho la fille que tout le monde veut voir, quand il apparaît devant le flic comme un bon mécano....
Donc ce drame, c'est surtout celui d'une société qui pense trop avec les statistiques et les prévisions. On porte en héros ceux qui arrêtent l'hémorragie, prenant le problème pour réglé, là où il faudrait éradiquer le mal à la racine. Un vrai héros aurait sauvé Arnie.