A mon sens, le found footage n'a toujours été qu'un genre opportuniste, dont l'approche subjective ne sert essentiellement qu'à masquer le manque d'ambition des scénarios qu'il met en scène. De même la platitude des différents artifices de mise en scène, tous aussi grossiers les uns que les autres, ont finis par devenir redondants et provoquer inévitablement une certaine lassitude du public. Pour quelques réussites (Le Projet Blair Witch, Cloverfield, Rec) combien de navets dont la forme elle-même ne s'embarrassait même plus de respecter les codes cinématographiques.


C'est donc d'un oeil méfiant que j'appréhendais ce Chronicle lequel s'annonçait il y a deux ans comme un found footage à la sauce super-héros. Une énième variation opportuniste dont je présageais déjà de la qualité médiocre. Je m'étais simplement trompé. Car même si Chronicle n'est pas dénué de défauts, il faut avouer que le réalisateur Josh Trank a su utiliser tout le potentiel du found footage pour le plier intelligemment aux besoins de son intrigue.


Le récit suit un trio d'adolescents qui lors d'une soirée est exposé à une mystérieuse source d'énergie. Bientôt, chacun d'entre eux commence à développer des capacités surhumaines telles que la télékinésie et le pouvoir de voler. Mais suite à un drame, la relation entre les membres du groupe se détériore et l'un d'entre eux devient aussi dangereux qu'incontrôlable...


Certes, l'histoire est loin d'être un modèle d'originalité et reprend la trame classique de la découverte et l'apprentissage de super-pouvoirs. Mais là n'est pas le coeur du film. Véritable étude de caractères, Chronicle se sert de son vague prétexte science-fictionnel pour crédibiliser la trajectoire dramatique de ses personnages et suivre l'évolution morale et psychologique du plus jeune d'entre eux, Andrew, un adolescent malmené par la vie et son entourage, qui se replie sur lui-même par nécessité et brandit constamment un caméscope entre son regard et le monde. Il filme de la sorte l'essentiel des événements des deux premiers actes, s'effaçant continuellement derrière son objectif et ne se manifestant que par quelques répliques timides. Ainsi, le personnage principal n'est-il au départ qu'un simple spectateur fragile et passif qui préfère rester hors-champ et se contenter de filmer ses amis dans la découverte respective de leurs pouvoirs surnaturels. La bonne idée du scénario est alors de détourner le contexte pour justifier constamment la manière de filmer ses protagonistes. Ainsi, de simple spectateur passif, Andrew passe soudainement au premier plan en cours de métrage lorsqu'il utilise ses propres talents pour manipuler le caméscope à distance et se filmer lui-même, ce qui justifie astucieusement la distanciation de la caméra vis-à-vis de celui qui la contrôle et révèle ainsi le début d'une évolution du personnage. On assiste alors à une véritable métamorphose morale et narcissique de Andrew lequel n'a de cesse de braquer le caméscope sur sa personne, jusqu'à détourner dans le dernier acte toutes les caméras passant à sa portée, que ce soit des caméras de surveillance ou des smartphones. Un parti-pris formel entièrement justifié par la narration et la trajectoire dramatique du personnage, lequel détermine finalement l'essentiel des enjeux du scénario.


Au fur et à mesure, Andrew trouve en Matt un véritable contre-point dramatique, les deux personnages étant cousins, c'est presque à une lutte fraternelle que nous assistons durant l'éblouissant climax lequel nous offre un affrontement en pleine ville évoquant parfois les débordements rageurs de Tetsuo à la fin d'Akira. Une séquence finale absolument sidérante dans son détournement systématique de multiples objectifs suivant l'évolution rapide des événements.


A des lieues de l'opportunisme formel et paresseux de nombreux autres found footage, Chronicle s'avère donc être une authentique réussite dont la forme sert continuellement le propos. A peine pourra-t-on relever quelques incohérences, lesquelles ne suffisent cependant pas à gommer les qualités indéniables du film. Une véritable surprise.

Buddy_Noone
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le 9 nov. 2014

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Buddy_Noone

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