Chronopolis
6.4
Chronopolis

Moyen-métrage d'animation de Piotr Kamler (1983)

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Chronopolis, c'est un monde géométrique bizarre, avec des fondements archéologiques. Structuré en formation de sculptures en bas-relief, glyphes magiques, gravures de langues archaïques, et dessins mythologiques en perpétuel mouvement, qui créent une transe hallucinée, futuriste, et magnifiquement exécutée, le tout dans une palette de couleurs oscillant entre les tons bronzes, bleus, jaunes-ocres, rouges argileux, violets, et Blancs cassés.


C'est un monde de carrés, d'étoiles, de lignes et de processus, un monde de portes dans les portes, d'inconscient dans la conscience, une déchirure de l'espace et de la logique où les chiffres ont des propriétés magiques et les séquences d'instants contraires ne cessent de s'attirer et se repousser. Difficile de savoir tout ce que cela représente, l'intérieur d'un ordinateur? d'une machine? d'un cerveau? C'est peut-être notre propre monde qui est exposé? Ce microcosme complètement mécanisé agit comme une usine avec ses formations d'électrons séquencés qui voyagent de secteur en secteur. Par corollaire On y observe ce qui semble être une galerie de machines sans but, ou cherchant leur but. C'est une vraie plongée dans les profondeurs du mécanisme de la création.


On peut penser qu'il s'agit d'un univers dont tout le monde peut saisir les bases fondamentales, mais où le processus de construction et déconstruction est présenté de façon réellement écrasante et même opprimante.


En fait on ne sait pas trop où Kamler mène sa barque, mais il n'y a pas lieu de s'inquiéter pour le résultat. Le film est construit sur une optique telle qu'il n'y a pas lieu d'avoir de dénouement ou de destination à l'intrigue. C'est assez rafraîchissant quand on regarde la façon dont sont construits la plupart des films, quel que soit le public auquel ils sont destinés, ici on à affaire à un simple processus cosmique qui se répète avec de légères variations jusqu'à ce qu'il s'épuise de lui-même, de la même façon que l'univers évolue.


On peut d'ailleurs voir cette référence visuellement dès le premier plan du film avec l'image du titre gravé dans la pierre qui s'érode petit à petit, et à plusieurs autres moments, comme la répétition bizarre d'alpinistes gravissant une paroi, encore et encore, ou également la façon dont tout événement se termine de la même façon qu'il commence, le point culminant de cette danse cosmique arrive lorsque le film illustre l'entropie de l'univers qui serpente vers le bas, et se défait, dans un dernier souffle. La musique totalement oppressante et dissonante correspond parfaitement à ce processus visuel et est admirablement intégrée.


Du point de vue du ressenti purement sensoriel, il y a quelque chose de terrifiant dans ce film, on se retrouve parfois à avoir peur de qu'on voit, comme si le 4ème mur lui-même avait été déchiré en morceaux et qu'on était observé par quelque chose qui ne devrait pas nous apercevoir. C'est une sensation assez étrange qu'on ne retrouve que dans peu de métrages. Cette sensation, c'est la peur universelle de quelque chose d'inhumain derrière notre existence.


Pour conclure, il s'agit d'un exemple merveilleux de stop-motion et une véritable œuvre d'art visionnaire. Questionnant le fondement même de la création, de notre présent et de notre avenir, le tout symbolisé dans un ballet mécanique halluciné et gracieux. Piotr Kamler a, semble-t-il, passé cinq ans à compléter ce film. Rien que pour cela, Il serait dommage de le laisser tomber dans l'oubli.
Cependant, c'est clairement un film qui n'est pas pour tout le monde. Pour les curieux, prenez-le avec un esprit clair et alerte. Il ne faut pas le visionner fatigué, car il y a vraiment beaucoup à voir.

Schwitz
7
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le 13 oct. 2016

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