La naissance d’un lanceur d’alerte
Tout juste auréolé du titre de « meilleur documentaire » par l’Académie des Oscar, CitizenFour se présente sans pression au public français en ce début de mois de mars et entend bien nous montrer ce qu’est véritablement la pression.
En bref, dans l’exercice de son activité professionnelle, Edward Snowden a eu accès à des données extrêmement sensibles, données attestant que la NSA se livre à des activités d’espionnage à grande échelle et bafoue la vie privée des citoyens américains et plus généralement du monde entier.
Souhaitant que ces informations ne restent pas secrètes, Snowden décide de contacter une documentariste et un journaliste et de les convier à Hong-Kong pour leur faire ses révélations. CitizenFour nous montre cette rencontre et nous invite, spectateurs, à participer à la mise à jour de secrets d’État terriblement lourds pour un Snowden trop préoccupé par le respect des valeurs de la démocratie pour laisser agir un gouvernement privé de garde-fous.
Habilement structuré, le film est découpé en trois grandes parties respectant la chronologie des événements mais s’attachant chacune à une thématique différente.
Le premier tiers du film expose le contexte dans lequel vont s’inscrire les révélations de Snowden, l’avant-Snowden. Des mensonges sous serment des représentants de la NSA aux déclarations des différentes parties, le sujet est introduit progressivement dans l’esprit du spectateur. En filigrane, les messages de Snowden, lus à voix haute par la journaliste, permettent d’amorcer la rencontre.
Le milieu du film s’intéresse à ladite rencontre, aux échanges, aux révélations, à la paranoïa ambiante dans la chambre d’hôtel. Cette dernière s’illustre parfaitement dans la scène désormais célèbre du documentaire durant laquelle, alors que Snowden s’apprête à lâcher une information détonante, l’alarme incendie se met à retentir, rendant particulièrement nerveux le jeune lanceur d’alerte. Les révélations s’enchaînent, laissant sans voix le spectateur qui, s’il connaissait le gros de l’affaire, découvre l’ampleur du mensonge et des moyens mis en œuvre. Le film n’est pas très accessible concernant la dimension technique des révélations. Ce n’est toutefois pas le but du film, le spectateur comprend aisément l’enjeu plutôt que les moyens concrets.
La dernière partie s’intéresse enfin au volet médiatique de l’affaire, son retentissement international, les réactions dans les plus hautes sphères gouvernementales, l’après-Snowden.
Très intelligemment, par le biais du montage, le documentaire nous montre qu’au milieu de toute cette histoire, coincé entre les politiques et les médias, il y a un homme. Mais contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, Snowden ne donne jamais l’impression de regretter son choix ou de craindre la suite des événements. Sûr de ses choix, Snowden renvoie l’image d’un homme déterminé, méticuleux, conscient du moindre de ses actes et investi d’une mission d’intérêt public.
CitizenFour s’avère être un documentaire passionnant à suivre, toujours très clair et juste dans son approche, rendant parfaitement hommage au courage de son protagoniste principal. Reste malgré tout que le sujet, pris sous un angle laissant trop de place au manichéisme, ne fait qu’effleurer la problématique de sécurité publique qui se cache derrière les violations de vie privée dénoncées. Trop orienté, le documentaire désigne le grand méchant sans jamais s’interroger sur l’alternative dont celui-ci disposait.