"Tant que je suis belle, je suis vivante, et dix fois plus que les autres"

Ce Cléo, c'est un film de détails. Un film soigné, où tout est à sa place et a été pensé pour être là et avoir un sens. Tant dans les dialogues, écrits, trop sans doute pour certains, je suppose, mais bien écrits et où aucun mot n'est superflu ni inutile ; que dans la forme cinématographique, où les plans se suivent et s'enchaînent avec fluidité, construits pour signifier exactement ce qu'ils signifient.


C'est peut-être là la limite de ce film, aussi : il dit ce qu'il voulait dire, bien, admirablement, avec soin et art ; mais il lui manque un certain plus, une énergie supplémentaire, je suppose, quelque chose qui l'emporterait au-delà. Le sortirait un peu du prévisible, aussi maîtrisé soit-il.


Mais notre Florence-Cléo est belle. Nos acteurs jouent bien. Notre Antoine est touchant comme tout. Le film déroule son discours sans nous prendre pour des idiots et nous asséner bien fort et de façon appuyée ce qu'il voudrait dire ; un objet (comme le miroir brisé et la vitre), un plan, cela suffit. Cléo chantant et se retrouvant soudain au centre de la caméra, tout décor effacé, seules ses larmes ruisselant, nous la montrant telle qu'elle est réellement, avant qu'elle ne cesse de se livrer et reprenne son numéro social, et que l'image ne soit réinvestie par personnages et décors. Ou le jeu de la caméra qui tantôt la suit au milieu du courant de la foule, tantôt nous la masque. L'arrivée de l'amant, non pas montré tout de suite et tel qu'il est, mais à travers les attentes de Cléo qui se dépeignent sur son visage.


Une petite tranche de vie, presque en temps réel, avec l'alternance des locuteurs internes, les dialogues simples, les petits aspects du quotidien (comme ce passage radiophonique qui parle de l'actualité algérienne), et au milieu, Cléo qui se noie dans sa peur de la mort et court au-devant de cette dernière. Tout autour, les répliques fusent, les mots retombent, dans ce parler très typique de la France gaullienne (noter les habitudes langagières du musicien, significatives du degré qui les sépare).


C'est formel et intelligent, peut-être parfois trop pour avoir l'âme qui lui serait nécessaire pour faire s'envoler cette belle mécanique. Mais en attendant, ce film est charmant, intelligent sous son air de banale futilité, et puis, diantre, que les femmes sont belles quand elles essaient des chapeaux.


« Tu le vois bien ! Cette peinture s’appelle Femme, et moi j’y vois un taureau. Ce qui prouve que Miro est espagnol ! »

Kabouka
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le 25 mai 2015

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Kabouka

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