Cloud Atlas est un film qu'il faut prendre le temps de comprendre. Il faut l'apprivoiser, accepter d'être un peu perdu, de trouver ça un peu simple ou trop tordu, pour peu à peu finir par l'écouter, le laisser s'exprimer et réaliser que finalement, il n'est pas si plat que ça.

Pendant plus d'une heure de film, voire deux, j'étais déjà en train de rédiger mentalement ma critique, et j'avais déjà décidé que je lui mettrais 5 ou 6. Ma critique aurait été remplie de toutes ces idées déjà dites à son sujet : ambitieux mais inégal, forcément pas à la hauteur de tout ce qu'il entreprend, un peu fouilli, mais attachant parce qu'au moins il tente plein de choses. Des moments un peu vides, des histoires un peu simplistes, mais un certain charme.

Et puis est venue la dernière heure, les dernières 70 minutes. Soudain le film s'emballe, le rythme mais aussi l'histoire, les thématiques s'éclairent soudain, le sens apparaît, la cohérence de l'ensemble s'impose soudain à nous.

Cloud Atlas nous parle de l'humanité. Rien que ça. Eh ouais, on vous avait dit que c'était ambitieux. Donc le film nous montre 6 segments à 6 époques différentes avec des histoires a priori très dissemblables (le compositeur gay qui cherche à devenir un grand artiste, la journaliste qui s'engage dans une enquête complexe, la clone qui découvre la vie, etc.) , mêlant les tons et les rythmes (combats futuristes, moment hilarant avec des petits vieux, enquête politico-magouilleuse, aventures négrières …) dans ce qui semble à première vue une sorte de fouilli ambitieux mais peu cohérent.
Sauf que non. Tout a in fine le même sens : les hommes, quels qu'ils soient, quelle que soit leur époque, sont tous les mêmes. On n'apprend rien du passé – mais le passé nous hante tous. Seul dénominateur commun ? L'amour, peut-être bien. C'est aussi un film sur la place de l'individu dans un univers qui le dépasse, au propre (l'univers ne se réduit pas à lui) comme au figuré (il essaie de le comprendre, de trouver des règles ou des dieux). Qu'est-ce qui fait les individus, qu'est-ce qu'être libre, qu'est-ce qu'être soi. Finalement Cloud Atlas ne donne pas vraiment de réponse, ou alors elle est un peu simple, mais en tout cas il pose les questions, il embrasse le sujet, et c'est sans doute ce qu'il voulait faire. Parler des hommes, pas disserter sur eux. Interroger, raconter, questionner, nous pousser à trouver nos propres réponses à partir des pistes esquissées.

Et puis sinon, c'est un bon moment de cinéma. Divertissant. Je l'ai dit, les 100 premières minutes, à peu de choses près, m'ont laissé assez peu enthousiaste, j'aimais bien mais je trouvais ça assez plat. Et puis ensuite ça s'accélère et tout à coup le film prend tout son sens. Mais tout du long il garde la même inventivité visuelle, dans les costumes, les décors (Néo-Séoul, futuriste à souhait, grokeur), dans les personnages. Effets de manche, plans de folie, couleurs, tout ça, on en prend plein les yeux.

Chaque segment pris individuellement est assez simple, voire simpliste, niveau scénario, et beaucoup de choses ne sont qu'esquissées. Mais ensemble, ça devient assez virtuose, si je peux me laisser aller à ce genre de compliments. Et puis quelques liens qui les rassemblent (machin a entre les doigts … tiens mais ça ne serait pas les lettres écrites par truc dans l'autre segment?) et ajoutent une touche de cohérence à l'ensemble. Le segment XIXe me laisse assez impassible, en revanche les aventure de Cavendish au pays des vieux sont hilarantes, celles de la journaliste ont vraiment une patte 70's, Néo-Séoul est SF à souhait, le compositeur est sympa sans être transcendant mais qu'importe, l'essentiel c'est qu'il compose sa symphonie. Et le segment "post-futur", si je puis dire, est pas mal ne serait-ce que pour les acteurs.

Car c'est là qu'on arrive au dernier point : le casting. Ce putain de casting où chaque acteur joue des tas de rôles dans chaque segment, et où on peut voir Hugh Grant jouer autre chose que Hugh Grant qui cabotine (un chef cannibale bordel ! J'ai mis un temps fou à le reconnaître, et le pire c'est qu'il est très crédible), ce qui est assez … Rare ? Formidable ? Marquant ? Génial ? Un peu de tout je pense. Hugo Weaving est dément, mon jeu c'était « devine quel rôle il aura cette fois ». Un tueur genre je joue dans Matrix pour buter tout le monde mais je suis habillé 70's ? Check. Une vieille gouvernante acariâtre ? Check ! Tout le monde passe le temps à se maquiller et porter des faux nez, voire changer de couleur de peau, on dirait. C'est inégalement réussi mais ça a un côté jouissif et assez fun, je trouve.

Bref, une bien belle surprise. Après tout ce que j'en avais lu je pensais voir une sorte de blockbuster manichéen avec une morale gentille et des passages pseudo-historiques et d'autres pseudo-SF comme Hollywood nous y accoutume. Bon, j'exagère, vu la réputation qu'a ce film, ça sentait plutôt le film indé ambitieux mais qui n'a pas les moyens de ses ambitions et ne parvient donc pas à décoller. Il faut dire que la première moitié du film m'a durablement fait cette impression, de spectacle visuel bien plus qu'émotionnel ou intellectuel. Mais ensuite, on l'aura compris, j'ai radicalement changé d'avis et je crois que désormais je considérerai ce film avec un petit air attendri, de ceux qui ont plein de défauts mais qu'on aime comme ils sont parce que quand même, ils sont mignons. ET PUIS HUGH GRANT EN CHEF TRIBAL CANNIBALE PUTAIN
Kabouka
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Vus en 2013 et Les meilleurs films de 2013

Créée

le 9 juin 2013

Critique lue 548 fois

3 j'aime

1 commentaire

Kabouka

Écrit par

Critique lue 548 fois

3
1

D'autres avis sur Cloud Atlas

Cloud Atlas
Jambalaya
9

Histoire d'allers et retours.

Quand on se dit que Matrix est un film largement surestimé, quand on n'a pas réussi a terminer Speed Racer tant ce film pique les yeux, il faut une certaine dose de détermination pour commencer Cloud...

le 24 mars 2013

149 j'aime

27

Cloud Atlas
Strangelove
8

Naître, vivre, aimer et mourir.

J'ai mis un certain temps avant de trouver la note adéquate qui correspondrait à ce film. J'aurais pu mettre 7 ou 8, comme 4 ou 5, ou comme 10. Disons que je suis passé par beaucoup d'état à travers...

le 5 juil. 2013

117 j'aime

15

Cloud Atlas
Hypérion
7

Le roulis des nuages

Une oeuvre particulière que ce Cloud Atlas, adaptée d'un livre que je n'ai pas lu parait-il tout aussi particulier. Pendant près de trois heures, un même casting affublé de maquillages plus ou moins...

le 4 mars 2013

99 j'aime

26

Du même critique

The Witcher: Enhanced Edition
Kabouka
9

Une belle claque et une grosse dose d'originalité

The Witcher, ou la preuve qu'on peut à tout moment être surpris par le monde du jeu vidéo. Un obscur studio polonais dont c'est le premier jeu, une obscure série de livres (célèbre en Pologne et dans...

le 14 oct. 2012

17 j'aime

Just Like a Woman
Kabouka
7

Envoûtant

Just Like a Woman, c'est d'abord et avant tout un film d'une mélancolie incroyable, plein de torpeur, d'élégance et de douce amertume de la vie. Cette histoire de deux femmes délaissées par le sort...

le 14 déc. 2012

12 j'aime

1

Batman & Robin
Kabouka
2

Bienvenue à Nanarland

Ce qui est bien avec ce film, c'est qu'il ne m'a jamais déçue. On nous le vend comme une des pires bouses cinématographiques qui soient, comme une honte à Batman, Clooney et O'Donnell l'ont renié...

le 16 août 2013

9 j'aime