Le problème principal de ce film est de souffrir de ce qu’il décrit (haha, spoiler ici): la multiple personnalité. Je veux dire, pourquoi mélanger autant de choses ne se joignant pas forcément harmonieusement? Pourquoi mettre Bruce Willis (je n’ai rien contre les acteurs explorant de nouveaux horizons) dans un rôle où il n’est pas crédible? Pourquoi conjuguer des couleurs moches à une esthétique, dans la dernière partie du film, baroque et rappelant les romans noirs? Quel plaisir à rajouter un flic rigolo mais complétement déplacé dans un film se voulant sérieux? Quelle utilité du fantastique ici, centré sur la couleur rouge, mais, je le rappelle, baignant dans une composition en couleurs fades et désagréables à regarder? Pourquoi la musique est si excellente, comparée à bien des éléments du métrage? Et surtout, pourquoi faire durer le tout 2h19?

(J’ai regardé ça pour plusieurs raisons à la base, que je veux expliciter quand même, pour faire entrevoir quelques leurres de cette bouillie quasiment insipide: Bruce Willis, que j’apprécie beaucoup, période d’avant le nouveau millénaire, puis la présence de Lance Henriksen, qui compte parmi mes acteurs favoris et dont le jeu et surtout la voix si caractéristique ne déçoivent que rarement (plus souvent c’est plutôt les films où il joue qui sont mauvais, pas lui), et enfin les scènes de sexe très estimées apparemment, le bout du kiki à Bruce Willis y apportant aussi sa notoriété.)

Bruce Willis donc joue un psychologue et psychanalyste de New York dont une patiente s’est défenestrée devant (enfin derrière en vérité, mais y avait un miroir devant lui ayant permis de voir) lui, et allant subséquemment changer d’environnement en visitant son meilleur ami psychologue lui aussi, mais émérite, habitant Los Angeles. L’ami lui dit que dans sa thérapie de groupe il soupçonne un des patients de le menacer de mort; vite fait, il clamse de façon brutale et m’ayant rappelé un film avec Wesley Snipes, mais je dévie du sujet... Bruce Willis hérite de sa maison et du code de son alarme (c’est jamais expliqué comment il l’a eu, à moins bien sûr que l’ami lui l’ait révélé (logique)) et décide de continuer à sa place la thérapie de groupe. Il fait aussi connaissance de l’enquêteur, hispanique à caractère bien acerbe mais finalement pas si intéressant car il joue aussi un rôle dans la composition d’ensemble (tous sont liés, mais c’est pas vraiment un spoiler, vu qu’on le sait dès le milieu) et assume malheureusement celui du sidekick comique. Bref, ensuite, COMME PAR HASARD, Bruce Willis par un accident (au sens propre, une voiture lui brise le phare arrière) fait connaissance de la partie la plus chiante du film, à savoir Jane March. Elle pétille, et, sous sa robe légère de fleurs, s’offre rapidement au psychologue, romantiquement (aucune de celles-ci n’était une évaluation positive). Les scènes érotiques sont vraiment pas mal, hélas le film ne tient pas par elles (il ne tient pas tout court...).

La première partie, jusqu’au meurtre, s’avère agréable à suivre, avec un rythme posé, et, à défaut d’intéresser profondément, au moins ne répugne point. Mais survient ensuite l’enquête et les mésaventures du héros principal, dont, accrochez-vous, un tuyau d’arrosage mis près d’une porte pour inonder l’appartement de Bruce, un serpent dans le courrier, un bar avec du rock dedans et une course-poursuite comme dans les vrais films d’action, si si. Là, c’est par contre bien chiant, et sans les scènes érotiques on zapperait, en tout cas je me faisais chier. Puis, dans la troisième (arbitraire) partie, l’enquête avance enfin et on approche, lentement mais sûrement, de la conclusion que j’ai cru pouvoir prévoir. Nouveau lot de scènes formidables: une non-scène lesbienne entre une quadragénaire (voire quinquagénaire...) excessivement maquillée et une jeune femme, une voiture médium dont le chauffeur sait exactement où est le héros et qui lui balance une voiture dessus (préfiguration de Die Hard 4?), un meurtre bien pourri et une révélation si bien amenée qu’on n’en voit pas les conséquences (Lance, désolé, c’est la faute du scénario). Et la partie finale, construite comme un film d’horreur, et détonant remarquablement avec le reste du film, tant qu’on dirait presque un autre film; en effet, le héros découvre le terrible secret (on observe un «twist» semblable dans «Tango & Cash», pour citer un film bien plus divertissant et palpitant) auprès d’un personnage secondaire survivant puis va dans l’antre du méchant où il l’affronte, ainsi que les démons de son passé, en libérant en passant une captive du monstre («le Moine» de Lewis, quelqu’un?). Mais le personnage du flic, que j’aimais pas mal au début, à cause de son cynisme, gâche ici quelque peu le suspense final. Enfin, pas quelque peu, mais carrément il ruine l’atmosphère (la tentative en tout cas).

Cette constante contamination entre éléments ne devant pas aller ensemble (le film donne l’impression d’avoir été soit écrit au fur et à mesure par un scénariste débutant qui tire ses cartes pour les scènes à mettre et les caractères à ajouter, soit tellement réécrit que l’essence en ait été perdue (comme dans quelque mesure «The Rocketeer», et d’autres tristes exemples de potentiel affadi par les producteurs ou les réalisateurs trop «auteurisants»)) domine le film et en détruit l’ambiance, de sorte qu’aucune émotion ne s’en dégage, et aucun des tons ne brille sur les autres (encore une fois, c’est pas un compliment, car je ne parle pas d’équilibre). C’est pas du temps perdu mais limite.

Je tiens néanmoins à signaler encore la qualité de la musique, sans doute trop bonne pour convenir ici, et celle de l’esthétique de la partie finale; pour finir, la révélation finale est audacieuse et selon moi réussie car risquée.

Entre 4 et 3.
Owen_Flawers
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le 4 oct. 2013

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Owen_Flawers

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