Colossal
6.2
Colossal

Film DTV (direct-to-video) de Nacho Vigalondo (2017)

Un prototype décodé et surprenant !

Entre Netflix et ses dérivés comme le e-cinema, c’est bien dommage de constater des œuvres aussi audacieuses privatisées pour le compte du partage numérique. On finit par trouver des pépites ou bien des films qui se contente du minimum syndical, mais on en ressort presque toujours avec le sentiment d’avoir passé un bon moment. La dernière réalisation de Nacho Vigalondo ne fait pas exception et on reconnait bien là le talent d’auteur en plein ascension. Il avait déjà proposé un démarrage prometteur avec son « Timecrimes », jouant essentiellement sur le thriller. Ici, on mixe le meilleur de ce qu’on sait faire de mieux pour un résultat très agréable.


Le film est à première vue une comédie romantique, flirtant avec le burlesque qui épuise à tort. Cependant, il dévie rapidement du schéma codifié auquel on s’accroche. Vigalondo se joue de nous, comme de ces codes, afin de proposer un divertissement inattendu et la surprise est de taille. On débute par la science-fiction, installant le personnage de Gloria (Anne Hathaway) en une sorte de Kaijū téléguidée par la sort. Elle porte tout le poids de l’intrigue sur ses épaules et sa prestation est récompensée. L’actrice y interprète une alcoolique cherchant le remède à sa vie qui tombe en ruine. Elle se tourne vers le passé, où l’innocence n’est pas toujours le reflet de l’enfance. Et de là, on étudie les méfaits de l’alcoolisme comme un fléau, à l’image du monstre qui détruit peu à peu Séoul.


Dans le second plan, on bascule dans le thriller nuancé en psychologie complexe et en humour. Vient alors le bon ami et serviable Oscar (Jason Sudeikis). Si simple à la première lecture, l’intrigue nous prend de nouveau au dépourvu pour complexifier sa présence à l’écran. Lumineux à l’entrée, noir à la sortie, il nous prouve que la métaphore du « monstre » à combattre est omniprésente dans chaque enjeu où l’héroïne est concernée. A la fois abstrait et concret, les fronts se multiplient tout comme les successions d’idiotie, portant le burlesque à son comble. Et même si le genre diffère de peu à la récente adaptation de « Quelques minutes après minuit » de son compatriote Juan Antonio Bayona, il s’illustre dans un registre inclassable à la vue de ce mariage de genre si sophistiqué.


Forgeant le thème de la mixité par une production subtile, le récit perd en intensité et se relâche assez rapidement. Une fois la machine lancée et comprise, le spectateur profite d’une mise en scène banale et un scénario plus que linéaire. Cela ne dure qu’un temps avant que la chute ne vienne rompre le sortilège et la surprise reprend le dessus. Viscéral en un sens, on ne sait plus où donner de la tête. On se sent balancer comme après une gueule de bois, trop lourde à encaisser. Gloria expérimente le concept et nous partageons sa motivation vers l’émancipation, pas si évidente pour la soiffarde du dimanche. Nos sens se troublent ainsi et notre curiosité est en alerte. On a beau s’accrocher à une réalité, elle peut aussi bien nous relever comme nous faire sombrer en dépression.


Le budget ne permettait sans doute pas une exploration approfondie du concept, mais cette simplicité le rendre plus efficace qu’il n’y parait. « Colossal » est donc un égarement qui vaut le détour, à raison d’être étouffé par des machines peu subtiles que l’on trouve habituellement en salle. Une œuvre comme celle-ci doit encourager les auteurs à s’investir autant, voire davantage, afin d’innover dans le système cinématographique d’aujourd’hui, trop sévère ou trop paresseux.

Cinememories
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le 6 août 2017

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