Divagations rohmeriennes éco, un film gentillet qui nous parle d'architecture, entre autres, sans prendre trop de risque. À la limite, autant faire un Chronos à la Ron Fricke, par exemple. On nous montre des bâtiments, oui, mais comme des vitrines ou des béquilles à ce que le film refuse d’aborder, pour mieux préserver sa neutralité tonale, esthétique
C'est lent, et il ne se passe pas grand-chose (ce qui ne me dérange pas : j’ai adoré par exemple le superbe Pacifiction d'Albert Serra). On passe donc presque 1h50 avec ces deux personnages que sont Casey et Jin. La mise en scène est soignée, les plans sont beaux : architecture, arbres, lumières nocturnes, parcs, etc ; mais les acteurs manquent de naturel et parlent trop (surtout en fait avec un léger soupçon de pédanterie par moments), pour un film qui voudrait laisser les images respirer. Le ton reste cohérent tout au long du film, presque trop même
La manière dont Jin est introduit dans l’histoire est bien trouvée, et le film gère bien sa lenteur et le passage du temps. Mais au fond Columbus est trop sage, trop facile, trop lisse. Certains y voient un cocon hors du temps ; personnellement, j’ai vu mieux dans ce registre. Café Lumière, par exemple. Ou encore The Adults, The Taste of Tea, voire Lost in Translation. Il est assez simple de créer une atmosphère “feel good” quand on filme peu ou qu’on filme la nature — encore faut-il que ce peu ait une âme
Il y a quand même des moments sympas, comme la petite danse nocturne de Casey devant la voiture. Classique, cliché peut-être, mais ça fonctionne pour redonner un peu de souffle à la trame
Columbus est un bois trop polie, une architecture trop brute. Les sujets qu'il effleure comme la transmission, la postérité, l’émancipation, les relations parents-enfants seront eux-aussi de marbre. Même la scène d'adieu entre la mère et la fille censée tout cristalliser manque de poignance, pourtant on sent bien que Kagonada veut changer le ton, mais il le fait trop timidement. La scène reste convenue et pas assez fine.
Lors du visionnage j'ai pu sentir chez Kagonada de l'inspiration de Apichatpong ou encore de Tarkovski
J'ai remarqué aussi certains plans étaient vraiment inutiles et semblaient exister que pour combler du vide. Comme cet arroseur de plante avec son casque, quel intérêt de faire un plan sur lui ?
Ce que je retiens de positif, c’est surtout cette photographie naturelle, ces jolis plans, le ton neutre qui reste globalement agréable à vivre, cette manière de laisser tourner la caméra qui donne une impression de spontanéité. Même si les acteurs peinent à l'être vraiment, ce qui est un peu le paradoxe de ce film. (Personnellement j'ai trouvé l'acteur plus convainquant dans son rôle que l'actrice qui joue Casey)
Et puis il y a la musique du générique de fin. Elle est agréable et fait de l'ombre à ce film en le résumant presque mieux qu'en lui-même. Elle a plus de chaleur émotionnelle que tout le ressenti que je viens d'avoir en finissant le film, à chaud : elle est trop juste. À tel point que je me demande si ce film n'aurait pas mieux gagné à être un simple poème visuel, où tout se serait passé par les visages, la lumière, les sons, avec très peu de dialogues