Le train, une porte vers l’inconnu et vers le monde. S’embarquer pour un voyage dont on connaît généralement la destination, mais pas toujours. Une escapade hors de chez soi, loin de ses repères. C’est ce dans quoi se lance Laura dans Compartiment N°6, un voyage dont elle connaissait, a priori, l’arrivée, mais pas le chemin.


Etudiante en archéologie, Laura souhaite se rendre à Mourmansk pour y voir des pétroglyphes, d’anciennes œuvres préhistoriques dessinées sur de la roche. Elle devait s’y rendre avec Irina, avec laquelle elle entretient une relation amoureuse, mais cette dernière ne peut l’accompagner. C’est donc seule que Laura doit partir aux portes du cercle polaire. Seule, ou presque, puisque les couchettes se partagent dans ces trains qui bravent le froid. Et pour Laura, le voyage s’annonce difficile, lorsqu’elle découvre qu’elle doit cohabiter avec Ljoha, un jeune russe qui ne lésine pas sur la boisson, un peu trop tactile et entreprenant, voire dangereux et inquiétant.


L’opposition entre les deux personnages est manifeste, et à la détermination de la jeune femme succèdent les doutes et les craintes, au point de songer à faire demi-tour. Mais est-il temps de fuir ? Y a-t-il vraiment quelque chose à aller retrouver derrière ? Finalement, la tendance ira plus à la conciliation et à l’échange qu’à la confrontation. C’est ainsi que Compartiment N°6 vient raconter la confrontation entre deux mondes, puis leur découverte mutuelle, avec des maladresses, des erreurs, mais aussi des surprises. Car nous avons d’un côté la jeune Fédération de Russie de Ljoha, à peine sortie du démantèlement de l’URSS, et de l’autre côté l’Europe occidentale de Laura. Cette rencontre entre ces deux êtres à cette époque est ainsi l’opportunité pour chacun de rouvrir des portes alors fermées depuis des décennies de marasme.


C’est ainsi que Compartiment N°6, qui s’initiait dans une ambiance un brin mélancolique et oppressante, gagne en légèreté au fur et à mesure que l’on progresse dans l’histoire. Chacun brise progressivement sa carapace, laissant plus de place à la spontanéité et à la douceur, faisant imaginer l’émergence d’une romance entre les deux personnages. Cela ne donnera cependant pas une raison au film de sombrer dans la mièvrerie ou le pathos, celui-ci suivant son fil conducteur, celui d’une histoire authentique avant tout. Tout est fait et joué avec suffisamment de justesse pour permettre au spectateur d’y croire, qu’il y trouve quelque chose qui lui parle et qui fait sens. C’est en effet ce qui fait la réussite de Compartiment N°6, qui reste toujours au plus près de ses personnages, qui gagnent progressivement en consistance.


Comme souvent dans ce type de film, ce n’est pas l’arrivée qui compte, mais bien le voyage qui y mène. Et peu importe l’issue finalement, car ce n’est plus celle-ci qui nous intéresse ou, en tout cas, l’issue que nous imaginions au début. Compartiment N°6 est une histoire de frontières, géographiques, climatiques et temporelles, que l’on parvient tous à franchir, car ce qui est différent peut s’associer et se découvrir.


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le 2 nov. 2022

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