Séduit par plusieurs critiques qui s'épanouissaient sur le site, je me suis laissé tenter par un revisonnage en regle de Conan le barbare. Mes souvenirs de l'oeuvre remontant à une bonne vingtaine d'années, je portais donc un regard neuf sur l'écran.
Conan est un film sur la pureté. Le personnage central joué par Arnold, à l'aube de sa carrière, est fondé sur cette pureté. La film commence par le façonnage de l'épée, métal fondu, libéré de toute ses impuretés. On enchaine sur des paysages, blancs, sous la neige.
La mise en scène est épurée, concise. Pas de fioritures, elle cadre les paysages, les corps, les visages. En ces terres oubliées, il y a peu de place pour les dialogues. C'est un narrateur qui nous guide, souvent de façon superflue car les images parlent d'elles-memes. La pureté de ce corps imberbe et tout en courbes, la pureté de cette roue gigantesque, symbole de la perfection, qui sculptera des années durant le physique du barbare.
Conan construit sa propre mythologie en se mettant lui-meme en scène dans le role de Sisyphe remontant sa roue pour l'éternité ou dans le role de Proméhée lié à son arbre, agressé par des charognards.
Enfin, la pureté de la pensée de Conan, composée uniquement d'émotions primaires. Soumission, vengeance, colère. Le jeu très limité d'Arnold, la naiveté qui s'accroche à chacun de ses rictus, l'oeil qui pétille comme un enfant dans le rôle de son héros. Arnold subit plus le rôle qu'il ne l'interprete. Il s'amuse plus qu'il ne joue.
La musique prend tellement d'importance tout au long du film qu'elle peut être considéré comme un personnage à part entière. En symbiose totale avec les images, elle sait être épique lorsque les chevaux ruent, les épées se heurtent, les artères se rompent. Elle se fait aérienne, quand les émotions affleurent ou que le temps du choix s'annonce. Elle sait être sourde comme une colère contenue, explosive quand la vengeance aveugle.
Mais Conan, c'est aussi un film des 80'. Il a vieillit. Certaines scènes inutiles sur ce culte du corps hypertrophié. Un manque de rythme flagrant dès l'approche de l'heure de projection. Cette dernière partie, moins inspirée, enfile les va et vient de Conan comme des perles sur le fil distendu de la narration. L'apothéose malgré tout, de différer l'ultime duel avec Thulsa Doom, face à ses adeptes. Le culte du serpent perira avec la décapitation de la tete.
Ce choix de l'action gore et mécanique m'a déçu. Conan avait prouvé sa subtilité, son intelligence, capable de se projeter, d'établir une stratégie, de se dissimuler, s'infiltrer, se grimer. Mais ce corps taillé pour la brutalité ne pouvait s'épanouir dans les années 80 que dans des gerbes d'hémoglobines. Et c'est en ça que Conan est un barbare.
Malgré tout, et pour cette première heure parfois hypnotisante, cette fresque quasi muette mérite qu'on s'y attarde.