Il était un homme tordu ; Qui acheta un chat tordu
Une famille britannique est victime dans leur demeure de phénomènes paranormaux. Ils sollicitent l’intervention du célèbre couple de démonologues.
Du simulacre à l’effroi : une adaptation qui assume sa licence poétique
Qu’on se le dise d’emblée : ceux qui espèrent une transposition scrupuleusement fidèle aux archives du fameux dossier dit d’Enfield devront composer avec l’emphase typiquement hollywoodienne, laquelle n’a cure de la véracité historique sitôt qu’elle gêne la progression dramatique. Dès lors que l’on consent à abandonner toute exigence de véracité documentaire, que l’on abdique devant le pacte fictionnel imposé — ce qui, je l’avoue, me fut moins naturel lors du premier opus — le film se révèle être un divertissement d’excellente facture, riche en tensions progressives et en angoisses ciselées.
Une terreur diffuse, tapie dans l’espace domestique
Ce second volet du diptyque démonologique orchestré par le très inspiré James Wan installe d’abord une horreur latente, presque dormitive, ancrée dans la topographie même du logis. C’est de la géographie intime du foyer que naît le malaise, avant que celui-ci n’explose sous forme de visions, de déplacements d’objets et d’apparitions fuligineuses. L’architecture même de la demeure — cette maison anglaise modeste, bancale, humide, cloisonnée à l’extrême — devient le premier vecteur du malaise, exacerbant l’impression d’étouffement et d’enfermement.
La mise en scène, d’une précision métronomique, force le spectateur à demeurer en état d’alerte constante, traquant la moindre anomalie du cadre, scrutant l’arrière-plan avec une obsession paranoïaque. Cette tension permanente est délicatement entretenue par le contraste sonore, que le réalisateur manie avec une virtuosité chorégraphique : l’alternance des plages de silence suspendu et des irruptions sonores brutales provoque des sursauts irrémédiables, sans que cela ne paraisse jamais gratuit.
Manipulations, ambiguïtés et épouvante incarnée
Mais là où le métrage gagne encore en densité, c’est dans sa capacité à introduire le doute, à brouiller les lignes entre le surnaturel et le simulacre. Une séquence, en particulier, pousse à reconsidérer tout l’édifice spectral : et si tout n’était que mystification enfantine ? La fillette Janet, dont le corps devient le théâtre des manifestations, semble parfois douée d’un sens de la mise en scène malicieux, nourrissant la suspicion, et donnant au récit un vertige interprétatif que peu de films du genre osent ménager.
Si la présence de Valak, le démon à l’habit clérical perverti, peut sembler un ajout exogène, greffé de manière quelque peu forcée à l’intrigue principale, il n’en demeure pas moins véritablement angoissant dans sa manifestation esthétique : silhouette longiligne, faciès exsangue, regard abyssal. Quant au Crooked Man, entité contorsionniste tout droit surgie d’une comptine désuète, il imprime dans les rétines une peur plus plastique que métaphysique, mais indubitablement efficace.
Conclusion : du boniment au sacré profané
Porté par une mise en scène inspirée, un montage nerveux et une exploitation liturgique du décor, cette production s’impose comme une réussite dans le registre du cinéma d’épouvante populaire. Malgré son assise sur des faits qui semblent parfois réinterprétés jusqu’à l’outrecuidance, le film parvient à instiller une terreur non criarde mais rampante.
Il ne s’agit pas d’une fresque documentaire, ni même d’une reconstitution crédible, mais d’un rituel fictionnel qui détourne le réel pour mieux invoquer l’effroi. Une œuvre à la fois habilement conçue, spectaculairement mise en scène, et paradoxalement plus sérieuse dans son exécution que dans sa prétention à la vérité.
T’as acheté des biscuits ?