Enfin! On a longtemps espéré une adaptation de la mythique série Hellblazer, je veux dire une VRAIE adaptation, qui réussit à capturer la noirceur cynique de l'oeuvre originelle, son horreur polymorphe, les nombreuses références qui forgent sa mythologie, traversée par les plus grands talents du comics contemporain. Une adaptation qui fasse honneur au matériau de base.
Après un long métrage qui relève de la pure trahison et une série qui n'a pour elle qu'un choix de casting correct pour John Constantine, on tient enfin quelque chose de solide.


A la façon du Batman des années 90, DC décide de ne pas édulcorer le ton particulièrement sombre de la série originelle.
Il est bon de rappeler un peu ce qu'est Hellblazer, histoire d'évaluer l'importance de la série et la difficulté de la tâche, adapter l'inadaptable.
Hellblazer est une série rien moins que mythique. Un anglais blondinet ressemblant à Sting, ancien punk, occultiste enchaînant les coups tordus, les arnaques, les invocations, se retrouve aux prises avec des forces qui le dépassent et trouve toujours moyen de s'en sortir de justesse, mais toujours à un prix des plus cruels.
Chaque arc de la série est construit sur cette base, toujours sarcastique, avec un humour acide et une noirceur plongeant ses racines dans la littérature horrifique et les traditions occultes bien british. Hellblazer dépasse de loin les axiomes traditionnels du comics, offrant des contes particulièrement sombres, tissant une trame globale dont le motif central reste les événements de Newcastle, élément particulièrement traumatisant évoqué au sein de cette adaptation.


Car oui, City of Demons est tiré d'une des renaissances de Constantine, premier volume plus ou moins hors série écrit par Mike Carey, un des talents de l'ombre du comics à qui l'on doit, entre autres, quelques thrillers horrifiques, la magistrale série Lucifer, sorte de spin-off de Sandman, mais aussi la tristement méconnue (en France tout du moins) The Unwritten, série majeure dont la finesse et la densité placent son auteur sans hésiter aux cotés des plus grands, de Neil Gaiman à Alan Moore, en passant par Grant Morrison, Warren Ellis et quelques autres rares élus.


Maître du comics pour public averti, c'est avec son run sur Hellblazer que Mike Carey, comme Delano, Moore,Ennis, Ellis, Morrison, Azzarello avant lui, qu'il se révèle dans toute son génie.
Chaque auteur ayant pris les rennes de la série avant lui se sont approprié John Constantine, ont vécu avec lui, mis en lumière une de ses parts d'ombre, et Mike Carey, après le run plus "terre à terre" d'Azzarello, véritable série noire flirtant de loin avec le surnaturel, offre à Constantine un retour dans la noirceur de l'occultisme le plus dangereux, la magie la plus noire, et ose évoquer à nouveau les événements terribles de Newcastle qui ont mené Constantine à l'asile psychiatrique, hanté par des visions dont il ne se défera jamais vraiment.


Et c'est par ce run, adapté plutôt fidèlement, que Carey reprend les rennes de la série. Plus qu'honorable, c'est pourtant le moins bon des arcs qui naîtront de sa plume et dont la série ne se relèvera pas, malgré la bonne volonté des auteurs succédant à Carey.
Je reprochais déjà à l'époque une écriture pleine de bonnes idées mais une structure globale un peu bancale.
Le dessin animé écope des mêmes défauts, les amplifiant du même coup.
Pourtant, on ne peut pas lui reprocher de manquer d'audace! La violence est crue, les enjeux sans concession, et la conclusion cruelle.
En plus, on a droit à un retour sur les origines de Constantine, ce qui permet au béotien de ne pas être trop perdu dans cet univers qui tranche avec le reste du monde DC (enfin, Vertigo a toujours eu cette place à part, la zone d'ombre de DC, où les créateurs peuvent s'exprimer sans risquer la censure ni devoir se plier aux règles de cohérence de l'univers étendu).
Mais une fois les cinq premiers mini épisodes diffusés en mars 2018 compilé et remontés pour plus de fluidité passés, on a droit à une cloture de chapitre digne de ce nom, puis... Puis on a l'impression qu'il manque tout bonnement un acte complet.
On passe de cette fin de chapitre à la conclusion sans vraiment savoir pourquoi, avec une maladresse et un manque de finesse qui tranche avec le suspense ciselé et la tension palpable du reste du dessin animé, et l'amertume tragique du final ne parvient pas à faire oublier le coté Deus Ex Machina de cette conclusion hative.


Reste qu'en terme d'ambiance, on est dans la bonne zone, et comme les Avengers ont su s'inspirer des Ultimates, Batman V Superman du Dark Knight de Miller, la série Daredevil des meilleures pages du même Frank Miller (et oui, je mêle DC et Marvel sans vergogne, car je parle d'une relation au comics en général et non d'une guéguerre d'écoles), Constantine puise dans les bonnes pages d'une série qui avoisine les 300 épisodes.
Un gros regret cependant : on ne rend pas à Cesar ce qui lui appartient, et si Delano, créateur de la série, est cité, on ne mentionne Mike Carey nulle part, et c'est un peu sale.
Du moins, je trouve, en tout cas.

toma_uberwenig
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le 9 oct. 2018

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