Harry Caul, interprété par Gene Hackman, est un homme seul qui ne semble pas se connaître lui-même, tant il passe sa vie à espionner les autres. Discret, silencieux, timide même, misérable peut-être, Harry semble ne réussir que sa vie professionnelle. Son métier de "plombier", ou plutôt d’espion de la vie intime au service de la "police privée", lui permet d’être en accord avec son plus grand vice, la curiosité. Ses clients le paient contre des enregistrements de personnes qu’ils ont besoin d’espionner. Mais Caul est un homme bon, et un fervent catholique. Son obsession d’être le meilleur dans son domaine est en opposition à sa façon d’être. C’est pourquoi il se refuse d’écouter attentivement les conversations qu’il enregistre, afin de se cacher les vrais raisons de ces espionnages et de ne pas se sentir impliqué. Surtout depuis qu’une de ses interventions à fini par tuer trois personnes. Jusqu’au jour où une conversation, banale à priori, semble l’intéressé et l’intrigué. C’est le début d’une tourmente car il est persuadé d’avoir dans cet enregistrement le destin d’une ou plusieurs vies, et ne veut pas commettre à nouveau la même erreur.

Je connaissais Francis Ford Coppola uniquement à travers les trois volets de la saga "Le Parrain". Ce film est d’un autre style, mais nous reconnaissons quand même la patte du réalisateur. En effet, il semble aimer poser les choses et prendre son temps, reflet du suspense qu’il souhaite engendrer. Le mystère autour d’Harry Caul est aussi immense que son silence à propos de lui-même. Cet homme refuse de parler de lui, de ses méthodes, de ses sentiments, tant il semble dégoutter de sa propre personnalité et de son métier. Il préférera par exemple se refuser un amour qui semble sincère plutôt que se dévoiler, ou encore briser une amitié plutôt que révéler les secrets de son talents. Harry Caul semble déjà être à moitié fou et paranoïaque au début du film, et les interminables séquences où l’on écoute et réécoute cette bande fait que cela déteint sur le spectateur. Cette bande magnifiquement écrite, qui ne peut laisser place au final, qu’au doute. On ne connaîtra d’ailleurs pas les intentions de ses protagonistes avant la fin, ce qui accentura cette paranoïa. Le film est magnifié par l’immense, l’électrisante bande son, composée par David Shire, qui rythme le film pendant les interminable séquences où Caul cherche ses mots, lui qui semble ne pas vouloir gaspiller sa salive.

Ce film m’a énormément ému. Gene Hackman joue parfaitement cette personne torturé qu’est Harry Caul. L’imprégnation du spectateur dans le personnage est immense. Nous sommes Caul pendant deux heures, nous avons envie de savoir de quoi retourne cette bande. De plus, l’acteur est entouré du très grand John Cazale, qu’on ne verra pas assez à mon goût, mais qui saura donner de la hauteur au film par ses petites interventions humaines. Cet acteur qui excelle dans le rôle de la personne simple. Coppola a d’ailleurs écrit le personnages pour Cazale. Ce film titille un des plus grands vices humains, dont on dit qu’il n’est pas un défaut. La curiosité est l’essence même de ce film, et c’est pourquoi l’on s’y sent tous impliqué.
Dicoland
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le 9 juin 2014

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