Convoi exceptionnel …Et à la fin, la sortie de route.

Définition du mot « lamentable » par le dictionnaire Larousse :
« Qui inspire de la pitié, pitoyable. […] Mauvais, faible, au point d’exciter une pitié méprisante. »


Bon bah voilà. C’est exactement ça.
Je crois que je tiens le terme qui me semble le plus adapté pour vous parler de mon ressenti à l’égard de ce dernier film réalisé par Bertrand Blier.
C’est juste lamentable.


Non seulement c’est mauvais et faible, mais en plus ce n’est même pas le genre de faiblesse qui donne envie de s’apitoyer sur le sort d’un petit papy qui, avec l’âge, a quelque peu perdu le sens des choses.


Non.
Avec « Convoi exceptionnel », on a clairement affaire à ce genre de faiblesse qui « excite » chez moi une sincère « pitié méprisante » pour reprendre les termes du Larousse.
Parce que, voyez-vous, de la première à la dernière scène, ce film est clairement pensé comme un gigantesque doigt d’honneur.


Dès le départ, le sens n’est même pas cherché.
On enchaine les artifices verbeux de manière ostensible au seul service d’une blague fade et interminable ; une blague hautaine qui consiste juste à démontrer la toute puissance de l’auteur face au spectateur.
Une toute puissance qui s’affiche sous forme de mépris.
Et pour le coup le mépris ne s’exprime pas par cette idée de mettre en évidence le fait que tous les protagonistes suivent des scripts sans réfléchir, car au fond il n’est pas si difficile de voir comment Blier entendait exploiter ce postulat au service d’un propos sur notre manière à tous de mener ou non notre existence.
Non, ce mépris, il vient clairement de la forme.


Forme de l’écriture tout d’abord qui ne fait même pas l’effort de pousser la métaphore bien loin.
Les choses sont dites sans relief de temps en temps et, pour broder tout autour, Blier noie l’ensemble dans des tonnes de propos abscons qui ne se plaisent qu’à gloser dans le vide.
Chaque réplique s’assume comme artificielle pour qu’on ne puisse jamais la questionner sur sa pertinence.
Chaque enchaînement se pense comme une rupture avec ce qui est attendu juste pour ne pas avoir à justifier de sa construction.
Chaque scène s’émaille régulièrement de petits pics de perversité sexuelle afin qu’on ne retienne que l’outrecuidance au dépend du sens.
Et tout autour de cette écriture bien lourde, Blier va noyer l’ensemble d’une musique pompière et totalement inappropriée ainsi que de quelques autres artifices de mises en scène qui jurent en permanence tant ils se révèlent dénués de sens.


C’est assumé. C’est volontaire. C’est affiché.
Parce que c’est Blier vois-tu. Il fait ce qu’il veut. Il est au-dessus de tout. Il suffit qu’il fasse pour que ça soit justifié car c’est Blier.
Blier est tellement devenu Blier qu’il est intouchable, inquestionnable, et que tu te dois de te plier à tout ce qu’il dit et à tout ce qu’il fait, quand bien même se comporterait-il comme un enfant arrogant et totalement immature.
Blier, dans ce « Convoi exceptionnel », c’est le gamin qui a décidé qu’il n’avait plus à démontrer son talent.
C’est le footballeur Ballon d’Or qui trottine lors d’un match contre un mal classé.
C’est l’élève qui rend copie blanche à un exercice qui n’est pas digne de lui.
C’est ce nanti qui a décidé qu’il était légitime qu’il jouisse d’un statut sans plus jamais devoir le justifier.


Et alors que Blier aurait pu conclure sa carrière en rappelant la force iconoclaste de ses débuts – en clôturant sa carrière par un feu d’artifice anthologique – il a donc préféré sortir sur un acte de mépris et d’arrogance absolus.
Un dernier pet totalement snob, digne des parvenus les plus ingrats.
Le seul titre de ce film dit tout : « Convoi exceptionnel ». Attention Blier passe. Il faut boucler les routes. Bloquer toute la ville. Et si t’es pas content c’est pareil. Tu n’as pas ton mot à dire.


Ce film symbolise au fond à lui tout seul ce qu’est devenue toute une génération du cinéma français. Des artistes arrogants qui ont totalement perdu le goût de l’effort et même le sens de l’art.
Or, effectivement, face à un tel comportement il n’y a décidément qu’un seul mot qui me vient au clavier.
Lamentable…

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le 24 mars 2019

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