La présence de Coupez! en ouverture du festival de Cannes de cette année pouvait sembler déstabilisante, en comparaison à celle de l'année dernière, Annette, grand hymne de réouverture, elle reste pourtant logique, tant elle se fixe sur ce qui voudrait être le cœur du film: l'hommage au cinéma comme création commune, art de l'artisanat. En effet, après une introduction déstabilisante pour ceux qui ne connaissaient pas l'original, Ne coupez pas!, de Shin'ichirô Ueda (ou pour ceux qui étaient en salles uniquement pour Michel Hazanavicius), la deuxième partie se concentre sur le tournage de l’œuvre ratée qu'est censée être «Z». Que cette deuxième partie soit la plus glorifiée, la plupart des spectateurs avertissant le tout-venant de rester bien jusqu'au bout, comme une promesse en carton, est ainsi étrange: c'est bien cette partie, éloge boiteux, qui lasse, fatigue et repousse.


Car la première partie, faux film devenu faux making-of, n'est tout d'abord pas totalement médiocre. Si Hazanavicius a toujours été un grand pasticheur, inutile de rappeler ses nombreux faits d'armes, l'exercice d'une telle parodie (certes parfois élogieuse donc) a de même toujours été dangereux, se rapprochant d'un certain maniérisme, ou se complaisant dans des stéréotypes, et des stéréotypes de médiocrité. Coupez! s'intègre d'abord dans cette catégorie: mimant un certain cinéma de série z (comme zombie), le film peut paraître s'y abaisser également. En effet, jusqu'à quel point la volonté de médiocrité justifie-t-elle cette médiocrité? La deuxième partie répond d'ailleurs à cette question, derrière un discours convenu et sage sur cette même volonté comme vertu créatrice.

Le faux film paraît alors vain, cependant son intérêt naît lorsque l'on se confronte à sa facticité: fausse fiction dans la vraie, il fascine dans la mesure où celui-ci, plongé dans le vrai film, se construit devant le spectateur. La forme du plan-séquence est alors intéressante puisque non plus œuvre d'art, mais objet de cinéma(tographe): d'abord objet de réalisateur présomptueux, comme stéréotype, puis objet de la fiction. Sa manière de capter les imperfections de tournage finit donc par attirer notre attention. Il est bien là l'hommage, plus discret, plus drôle aussi, mais surtout plus fructueux, à la verve créatrice! Hommage dont l'habilité créé la sincérité, et qui sera donc subvertit par la deuxième partie du long-métrage.


En effet, si le plan-séquence original mêlait déjà l’œuvre, le film créé, à sa création, par la contamination des ratages qui prennent rapidement le dessus, il paraît alors difficile de justifier ce long making-of d'une heure. A quoi bon montrer la création du film quand celle-ci se manifeste directement, dans le film? La deuxième partie est alors au mieux lourdingue, assenant au spectateur les mêmes banalités, cette fois-ci explicitées, au pire complètement ratée.

D'autant plus que, là où elle est supposément censée être supérieure à la volontaire médiocrité de la première, elle est elle-même involontairement médiocre: on voit donc bien que le pastiche du médiocre nous y rabaisse bien plus souvent qu'il nous élève. Il en va ainsi de la difficulté totale du film à construire une structure après la parodie. Puisque le volontairement outrancier et factice a été revendiqué, Hazanavicius ne parvient en effet pas après-coup à créer du vrai, que ce soit dans le sentimental, avec l'horrible relation père-fille qui semble guider le métrage vers un final des plus artificiels, ou dans l'humour (que les acteurs, hormis Jean-Pascal Zidi, mais en particulier le pénible Finnegan Oldfield, ne portent pas vraiment non plus il faut l'admettre), poussif, répétitif et sans une once de la spontanéité que pouvait contenir en particulier La Classe américaine.


Surtout, cette deuxième partie apparaît finalement d'une ignominie assez surprenante lorsqu'on garde en esprit l’œuvre originale, Ne coupez pas!. Alors qu'Ueda s'intégrait directement dans la série B et donnait un parfum de véracité à son film, Hazanavicius, lui, prenant d'ailleurs un titre opposé, représente, par sa production et son casting, toute la crème de la crème de la comédie franco-française. L'ode à la création fauchée devient alors peu ragoûtant, et d'une hypocrisie crasse: comme l'impression de voir le cinéma grand public jouer avec les poupées de la série B, de voir Hazanavicius prétendre la créativité, oubliant que celle-ci s'incarnait réellement auparavant dans son œuvre.

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le 9 juil. 2022

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