Pour commencer on peut déjà remarquer l'extrême originalité de ce film qui traite d'un sujet, celui de la shoah (même plus précisément la phase d'isolement et d’enfermement dans les Guettos puis ensuite de la traque individuelle des juifs de l'est, avant la mise en place de la solution finale et des camps d'extermination en 1942), qui nous apparaît comme presque "épuisé" par le cinéma. L'originalité de ce film, qui donc se détache d'un cinéma de guerre plutôt connu de tous, c'est le parti pris de Pepe Danquart qui axe uniquement son scénario sur ce petit garçon qu'est Srulik (ou Jurek). Il développe donc un scénario qui s’éloigne d'un certain nombre d'histoires développants une certaine idée de masse, de souffrance d'un peuple entier. Dans ce film la Shoah apparaît comme presque "lointaine" (de part le lieu qu'est la campagne). Elle n'est plus utilisée comme un processus exterminateur de Juifs (avec un côté très manichéen entre nazis et juifs), mais plus comme un élément de pression qui créer une atmosphère de traque continuelle. Elle n'est pas explicite (on ne voit pas de camps, on ne voit pas d'exécution de masse) elle est seulement suggérée au spectateur comme un élément déclencheur de la fuite, du périple de ce petit garçon et donc du film. Ce qui créer donc l'originalité.

Ensuite ce film suggère aussi la mise en place d'un parcours initiatique pour Srulik à la manière de Candide dans le conte Voltaire. En effet il trouve la vérité et la paix, après des années de traque (mise en place par les nazis qui servent donc d'impulsion à ce parcours) où son identité est remise en cause, (changement de nom, de prénom, de religion pour s'adapter) quand il accepte son identité juive qui a pourtant détruit sa famille et qui l'a fait souffrir. La souffrance, qui apparaît comme indissociable du quotidien du garçon, est le moteur du film. Cependant elle n'apparaît pas comme injuste mais comme quelque chose qui pourrait être nécessaire dans le parcours initiatique de Srulik. Cette souffrance est aussi bien psychique (abandon, solitude, rejet, traque incessante qui épuise même moralement le spectateur) que physique ( avec son accident à la main et son amputation. On remarquera aussi que la main est un marqueur d'identité, la main est unique, les empruntes digitales nous identifient. Il souffre donc jusque dans son identité physique).

Mais ce film est aussi magnifique de part la force de vie du personnage. Il trouve et nous amène à réfléchir sur la capacité de l'homme à être heureux. En effet ce petit garçon vie dans une précarité aussi bien sociale (de part sa solitude), physique ( souffrance due au froid, amputation) que matérielle mais il trouve toujours des moments de bonheur et de stabilité au fil de son périple. Ceci participe aussi à l'originalité du film qui ne s’apitoie pas sur le triste sort d'un garçon Juif pendant la seconde guerre mondiale. A chaque rencontre Srulik s'enrichit et évolue dans son parcours initiatique.

La dualité du personnage Srulik-Jurek qui est mise en place pour la survie est aussi très bien traitée dans le film. Elle est mise en place grâce à deux frères jumeaux, l'un jouant Srulik et l'autre Jurek. Leurs différences physiques sont minimes mais assez prononcées pour créer la rupture à l'intérieur même de ce petit garçon. Ce choix est je trouve très judicieux et crédibilise la double personnalité de l'acteur principal.
Marie_Gs
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le 28 déc. 2014

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Marie Gs

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