J'appréhendais autant que j'attendais ce Creed II, ayant beaucoup aimé le premier opus, dont, pour le coup, je ne voulais pas. En 2007, Stallone avait en effet bouclé avec les honneurs le parcours de son personnage éponyme culte dans le film Rocky Balboa, qui proposait une conclusion tout à fait digne de la licence (qui ne pouvais décemment pas s'arrêter sur le loupé Rocky V). Lorsque quelques années plus tard, une suite/spin-off sur le rejeton de Creed fut annoncée, je fulminai, maudissant Hollywood et ses suites à rallonges [...] avant de finalement me raviser devant le film, qui se payait non seulement le luxe d'être bon, mais en plus d'être meilleur que la quasi-totalité des films Rocky - le dernier y compris. Face au talent, je m'inclinai donc. Le scénariste et réalisateur Ryan Coogler avait ravivé en moi la flamme de cette licence et j'attendais désormais qu'il s'attelle à sa suite avec une impatience non feinte.
Mais deux nouvelles viennent rapidement entamer mon enthousiasme : le départ de Ryan Coogler d'abord, au profit d'un inconnu au bataillon ; puis le retour d'un personnage aussi culte que chargé en potentiel nanardesque : Ivan Drago. Malgré tout l'amour que je peux porter à Rocky 4, la proposition de cinéma n'est pas la même que celle de Creed, loin s'en faut, et l'idée de ressortir du placard des 80s le porte-étendard de l'URSS belliqueuse ne m'enchantait guère. Mais là où d'autres licences justifient avec peine le retour d'anciens méchants appréciés, Creed 2 peut lui présenter une bonne excuse, logique et crédible : puisqu'il s'agit ici de boxe, ce sera un promoteur sans vergogne qui va aller chercher les Drago père et fils au fin fond de leur Ukraine grisâtre et organiser le gros coup marketing : une confrontation des deux fils Creed et Drago - confrontation déjà auréolée de l'issue tragique et légendaire du match de leurs pères.
Et ça va, le film parvient à faire quelque chose du personnage d'Ivan Drago. Alors je ne dirais pas que c'est génial, parce que je pense que l'on aurait pu faire beaucoup mieux, mais disons qu'il arrive à l'intégrer correctement dans le ton du film. Le personnage n'est pas ridiculisé (ni ridicule), il est déclassé et pathétique, mais respecté. Et forcément plus profond que dans Rocky 4. Mais voilà, si son traitement est digne, il manque quand même d'un petit truc. De cette petite scène déchirante qui m'aurait définitivement conquis. Et c'est plus globalement le seul point que je reprocherais au film : il n'a pas su m'émouvoir. Là où le premier m'avait fendu le cœur à deux trois reprises, celui-ci m'a "juste" beaucoup plus. Le spectacle reste de qualité, j'ai solidement pris mon pied, mais j'en attendais forcément plus. Et ça se joue à pas grand chose : je pense à certaines scènes qui sur le papier avaient tout pour être très émouvantes, mais qui ne m'ont pas ému plus que ça. La faute à une mise en scène un peu moins efficace que celle de Ryan Coogler peut-être.
Ceci étant dit, le film reste solidement branlé, Steven Caple Jr ne démérite pas. Les scènes de boxe notamment sont de qualité, le film étant par ailleurs très généreux sur ce point, puisqu'il nous offre pas moins de quatre combats (dont les deux Creed/Drago, assez longs). Je dirais à vue de nez que c'est celui qui présente le plus de temps de boxe des huit films. Mais dans la mesure où Creed 2 est aussi le plus long (après Creed premier du nom, peut-être ?), les différents personnages ne sont pas en reste pour autant. Porté par le charismatique Michael B. Jordan, Adonis Creed s'affirme lentement mais sûrement comme le digne héritier de Rocky (un héritier dont j'espère encore suivre le parcours sur d'autres films). Et Rocky, évidemment, qui s'offre pour la deuxième fois un beau second rôle de mentor, mais aussi une belle conclusion... que j'espère définitive. En attendant celle de son personnage de Rambo dans Last Blood - pour qui je me fais un peu plus de souci.
Bref, le film est bien, et jongle habilement entre ses nouveautés et son héritage : le personnage de Rocky/Stallone évidemment, son thème musical, qu'il convoque toujours au bon moment, mais aussi et surtout ce petit quelque chose qui faisait toute la saveur des films Rocky : leur cœur, leur sincérité et leur énergie galvanisante. Cette envie irrépressible pendant tout le film de te lever d'un coup de ton fauteuil, de te jeter au sol faire vingt pompes dans la salle, puis de coller énergiquement une droite à ton voisin de ciné avant de te lancer dans un footing endiablé dans la ville - le tout dans la joie et la bonne humeur.