1867. Lorsqu'il rédige Crime et Châtiment, récit tragique où un étudiant assassine une vielle femme pour montrer son mépris des valeurs morales, Dostoïevski a pour ambition de mettre en garde la société russe contre le nihilisme, doctrine qui se répandait comme une traînée de poudre dans la jeunesse et l'intelligentsia de son pays.
Le contexte du livre est donc totalement ancré dans la Russie de l'époque mais cela n'empêche pas l'auteur d'y insuffler également un message universel et intemporel à propos du poids de la culpabilité et de la rédemption.
Pas étonnant donc que de nombreux pays aient pu se réapproprier si facilement ce roman pour en faire un film. La France a pour sa part adapter deux fois au cinéma Crime et Châtiment (en 1935 et 1956). D'ailleurs, le roman original est par moment imprégné de plusieurs éléments de la culture française. Il y a quelques références à Napoléon (personnage historique ayant eu un impact énorme sur la Russie) mais aussi la présence de personnages sadiques semblant sortir tout droit d'un livre du Marquis de Sade. Certaines critiques de l'époque n'avaient d'ailleurs pas hésité à qualifier Crime et Châtiment d'oeuvre aux relents sadiens.
Pour revenir à la France, l'adaptation de 1956 mise en scène par Georges Lampin mérite que l'on s'y attarde...
Dostoïevski en France
L'action se déroule dans une ville française et dès le début, on comprend que le fleuve qui la sillonne occupera un place prépondérante dans l'intrigue. En effet, Lampin le filme à de nombreuses reprises et les personnages se promènent régulièrement au bord de l'eau. C'est clairement une référence à Saint-Petersbourg (lieu où se déroule l'action originale du livre), ville traversée par de nombreux canaux et le fleuve de la Neva. Par ce biais, Lampin rappelle les affiliations de l'oeuvre à la Russie.
Toutefois, malgré ces références russes, Lampin plonge aussi profondément son récit dans la culture française. Si les références à Napoléon étaient légères dans le livre, elles sont ici beaucoup plus appuyées et servent de matière de réflexion au fait de laisser les « grands hommes » entreprendre toutes les actions qu'ils souhaitent en faisant fi de la morale.
Enfin, vu la longueur du roman, il était clair que Lampin devait remanier son récit pour le faire tenir dans un film de deux heures. Pour cela, il décide de supprimer certains personnages de l'intrigue et se concentre surtout sur la relation entre le héros et le commissaire (campé par l'immense Jean Gabin), ce dernier essayant de trouver l'assassin de la vieille dame.
Et c'est peut-être là que le bât blesse car là où le roman offrait, grâce à son large éventail de protagonistes, une véritable oeuvre philosophique avec de nombreuses pistes de réflexion, le film de Lampin lui, tend à être un simple polar proposant le classique jeu du chat et de la souris entre le criminel et le policier. Un épisode de Columbo dostoïevskien en somme...