Dans la mesure où ces derniers temps, ce lieu de divagations culturelles tend à devenir le point de rencontres virtuelles des amateurs de la regrettée Susann Korda, plus connue sous son vrai patronyme Soledad Miranda, feuilletons de nouveau le livre de l'année 1971 avec She Killed in Ecstasy, tourné dans le sillage de notre précédente chronique francienne, The Devil Came from Akasava.

Le docteur Johnson (Fred Williams) est un jeune médecin attendant le verdict de ses pairs. Ceux-ci doivent lui accorder ou non la permission de poursuivre ses recherches et expériences sur les embryons humains. Mais l'ordre des médecins sous la voix du professeur Walker (Howard Vernon), le Dr Huston (Paul Muller), le Dr Crawford (Ewa Strömberg) et le Dr Donen (Jesus Franco) réfutent son travail, le considérant au mieux comme un charlatan, au pire comme un criminel blasphématoire en infraction avec le serment d'Hippocrate. Interdit à présent de pratiquer la médecine, humilié et banni, Johnson n'accepte pas ces récriminations et ces accusations. Hanté par les insultes lancés par ses anciens confrères, le jeune homme sombre rapidement dans la démence sous les yeux impuissants de son épouse (Soledad Miranda), au point de ne trouver qu'une seule alternative à son supplice : le suicide. Désormais, la jeune veuve n'aura qu'un seul but, se venger et faire payer le prix létal aux quatre médecins responsables selon elle de la mort son bien-aimé mari.

Filmé à Alicante telle la future Comtesse perverse (1974) avec l'inénarrable Howard Vernon et la divinement cruelle Alice Arno, Sie Tötete in Ekstase fait allègrement figure de film culte parmi les amateurs du cinéaste espagnaol au même titre que le célèbre Vampyros Lesbos, la présence dans ces deux films de la belle Soledad Miranda n'étant pas étrangère à cette dévotion cinéphilo-bissienne. Relecture de La mariée était en noir de Cornell Woolrich ou version alternative d'un de ses précédents films (dans la grande tradition francienne) de 1965 Miss Muerte (The Diabolical Doctor Z) : le père et médecin controversé cédant sa place à un mari aimant, les meurtres punitifs provenant désormais du bras armé de la propre veuve et non plus d’un supplétif aux ongles empoisonnés ; She Killed in Ecstasy quitte l'horreur pure pour embrasser l'air du temps de la sexploitation doublé d'un érotisme vengeur.

Sensiblement tourné dans le même laps de temps qu'Akasava, les deux films d'exploitation partagent également le même casting : le couple Miranda/Williams, le quatuor Muller/Franco/Strömberg/Vernon et cerise sur le gâteau une brève et géniale apparition d'Horst Tappert en inspecteur léthargique oscillant entre l'incompétence crasse et le je-m'en-foutisme expert. Mais le long métrage rate malheureusement sa cible, la vendetta romantique annoncée s'avérant dans son ensemble décevante, et surtout vite expédiée sur le papier par Franco. Porté par la présence de la lumineuse Soledad séduisant ses quatre victimes une à une avant de leur faire connaître une mort atroce (en particulier le personnage de Franco), She Killed souffre à la fois d'une première partie molle à l'image du falot Fred Williams) et d'une seconde partie bien trop linéaire ; "l'audace" visuelle francienne étant pour le coup elle-aussi globalement bridée.

Autre point discordant, le film est mis en musique de nouveau par la paire Hübler/Schwab. Les compositions groovy Kamasutra ou Necronomania qui accompagnaient précédemment Vampyros et Akasava n'apparaissent pas cette fois-ci comme un choix des plus pertinents. Au contraire, le caractère sombre et violent du propos cohabitent maladroitement avec ces habillages sonores. La musique originale d'un autre habitué des productions franciennes, l'italien Bruno Nicolai (Les nuits de Dracula, 99 Women) semble finalement de par son thème classique bien plus dramatique et en phase avec l'histoire de cette femme amoureuse apportant la mort.

De par son statut de muse, Soledad Miranda crève sans grande surprise l'écran, occupant ainsi la majeure partie du métrage dans son rôle de mante religieuse. Sa présence omnipotente tendrait dès lors à amoindrir les faiblesses d'un scénario (plutôt) décevant, pourvu d'incohérences typiquement franciennes, et à la conclusion dramatiquement prémonitoire faisant écho à la véritable mort de son actrice principale.
Claire-Magenta
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le 30 janv. 2013

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Claire Magenta

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