Daaaaaali !! - PREMIER FIIM ABOUTI DE DUPIEUX.

Quentin Dupieux s'est aventuré sur le terrain glissant de la boucle temporelle paranoïaque : est-ce un scénario ?.... Plutôt un exercice de style qui nous change de ses films- bricolages habituels de 1h20... Il raconte le tournage laborieux d'un documentaire amateur esclave de la paranoïa critique d'un Dali capricieux, en pleine forme, dopé par un ego boursoufflé et une excentricité imprévisible.

Dali fut le pionnier du "self-branding" ( le marketing de soi en tant que marque)

Dupieux a fait de sa forme d'humour une marque de fabrique également.

La rencontre "Dali -Dupieux" avait donc vocation à fonctionner à merveille donc dès le debut du concept.

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Dali avait plusieurs " coups d'avance" sur son époque et Dupieux se délecte de son oeuvre majeure que sont ses performances et happenings médiatiques en forme de gags : il n'y avait plus qu'à aller à l INA et recopier les morceaux de bravoure. En effet, l'art de la provocation par un dandy dédaigneux qui , bien avant Gainsbarre, bourculait la bourgeoisie faisait pour la Tv un excellent client .En plus Dali est en conformité avec la proposition artistique de Dupieux. Le même format d'humour , bref, radical, sans émotion, hors normes et à répétition.

Si on y rajoute une satire sur le marché de l'art illustrée par l'aventure d'une toile de petit format qui joue à cache-cache avec les protagonistes du film, on est en appétit.

Dali détestait à la fois les professionnels de la télévision et les amateurs en tout genre. Les " sachants" et les " non sachants" à la fois . Mais ll utilisait ces 2 catégories pour sa propre publicité. A l'époque de l'ORTF , même Denise Glazer, animatrice professionnelle, fut autant mal à l'aise que notre Anais Demoustier en pharmacienne -journaliste face à un Dali odieux. Elle s'en sort pas si mal dans cet univers très masculin . Les féministes n'aimeront pas le film, bien évidemment.

Le tournage dans sa vrai maison est une aubaine : il donne plus de vérité sur le quotidien obsessionnel d'un Dali fragile. Ses angoisses expliquent ses outrances.

Quentin Dupieux n'a pas hésité évidemment à rendre hommage au surréalisme du binôme Bunuel-Dali pendant la scène du repas puis celle de l'assassinat du prêtre. L'idée du cow boy pendant la vente de prestige aurait enchanté le duo surrealiste !

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Par contre on aurait aimé plus de finesse dans le choix des punch line du peintre : Dali était fameux quand il évoquait Cezanne ( une "catastrophe ") et Velasquez,

...Ici , on est plus dans le boniment de fête foraine type" chocolat Lanvin" que dans ses saillies verbales surréalistes et la peinture . Dali fait du....Dupieux il se devalorise un peu.

Mais reconnaissons que la réalisation d'un film complet parfait avec ( ou sur) Dali presque 100 ans après " un chien andalou" reste une mission impossible à cause du caractère insupportable de l'artiste : déjà Disney avait jeté l'éponge ( projet "Destino").

L'entretien du 22 mai 1964 pour la télévision semble avoir servi pour l'écriture du scénario : Dali explique comment il planifie des projets de films chaque année dont le but est de ne jamais être tournés afin de contribuer à la fabrication de sa légende uniquement.

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Quentin Dupieux n'a pas donc été pris au piège d'un biopic verbeux , insipide à la mode en ce moment chez les producteurs prudents... ,

Il a fait le bon choix de l'exercice de style certes boiteux dans une comédie brouillonne mais truffé de trouvailles viseulles surréalistes qu'on pressentait déjà dans "mandibules" .

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Ce film inegal est sauvé in-extremis au montage.

Il a usé - et meme abusé - avec brio du mécanisme de la paranoïa critique appliquée au cinema avec flash-back, mises en abyme et boucles temporelles... Cette "diarrhée" technique n'est pas indigeste, elle devient même une des réussites du film avec ses coups génie, la séquence du couloir , la pluie de chiens et la répétition des unes de journeaux , séquences qui deviendront vite cultes.

L'interprétation de Dali par Édouard Bear est la moins mauvaise des 6, mais helas, elle reste un peu paresseuse, et trop stéréotypée: Bear s'est surtout amusé a reprendre des bribes de propos issus de reportages sur l'artiste.., il n'arrive pas a passer le cap de l'outrance verbale jubilatoire. Bear en fait des tonnes et surjoue. J'aurais mis 9/10 si il avait mis un peu plus de complexité dans son interpretation . Il en avait les capacités. L'alternance des 6 acteurs dans une même séquence est surfaite , à la limite de l'effet : un snobisme inutile que les fans du Dupieux adoreront pourtant.

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A sa décharge, la prod n'a peut être pas fait visionner aux 6 acteurs de Dali les meilleurs happenings télévisuels de l'époque noir et Blanc du peintre !. Je vous recommande par exemple le fameux " what's my line" à la Tv américaine vers 1950 . Fantastique !.. Dali gère ses silences d'une manière exceptionnelle : un morceau de bravoure à voir apres ce film. Je recommande.

Le public de la salle était de tout âge et ravis.

Ceux qui n'aiment pas le personnage Dali ont peu de chance d'apprécier l'esprit de Dupieux : ils n'étaient pas dans la salle.

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LA-GIRELLE
7
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le 7 févr. 2024

Critique lue 31 fois

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