Un film qui m'a fait rire, beaucoup rire. Mais qui m'a pourtant pas mal désarçonné, avec sa façon de parler du post-colonialisme dans une comédie légère et absurde. On ne sait pas toujours où se placer, entre le génie ou le foutage de gueule.

On est dans la continuité du film "L'Enlèvement de Michel Houellebecq", vu qu'on y fait référence directement, et on est toujours dans cette approche docu-fiction, avec pour prétexte de parler politique, ou encore des déboires de Houellebecq. Avec toujours Nicloux à la réalisation et le duo Michel Houellebecq / Luc Schwarz (acteur que l'on voit trop peu, alors qu'il est vraiment à l'aise ici). On retrouve d'ailleurs aussi ce trio dans le film "Thalasso", sorti en 2019, qu'il faudrait que je tente.

Le film s'ouvre sur une citation : "Le rire est le premier pas vers la libération". Et ce n'est pas tant la citation en elle-même qui a de l'importance, mais la personne qui le dit : Maryse Condé, autrice émérite (entre autres), et qui se revendique comme "guadeloupéenne indépendantiste", et dont on verra carrément un extrait d'une de ses entrevues, à l'instar d'autres profils similaires, comme Élie Domota, syndicaliste guadeloupéen, dont on nous remontrera son face-à-face avec Fillon.

Outre les multiples montages, comme le générique de début faisant clairement référence au passé colonialiste et esclavagiste de la France sur le territoire de la Guadeloupe, le film prendra le contre-pied en mettant en scène les... oppresseurs dira-t-on, à savoir des blancs bien rangés, notamment avec le duo Houellebecq / Gardin, venu ici pour participer à un concours de sosies de Michel Houellebecq (de qualités au mieux douteuses).

Le film se démarque par un humour absurde et nonchalant, servi par la gueule de Houellebecq encore, et "son corps du secteur tertiaire" (sic), qui restera bien stoïque quand on lui demandera son avis sur le féminisme ou la place des noirs dans notre société, ou quand on lui dira qu'on reconnait du André Gide dans ses écrits (alors qu'il déteste cet auteur). Je trouve la proposition ici bien plus osée, avec beaucoup d'auto-dérision de la part de Houellebecq, en particulier quand on lui reparle de son débat avec Michel Onfray, en particulier son propos sur les musulmans. Le duo est très bien complété avec Blanche Gardin, qui amène un peu de piquant dans cet humour noir.

On retrouve d'ailleurs quelques caméos intéressants, comme Gaspar Noé, qui propose un film à Houellebecq (vrai teasing ???), Jean-Pascal Zadi qui est présenté comme le neveu de Françoise Lebrun (mhhhh), ou même Francky Vincent, avec une chanson... originale.

Esthétiquement, le film se permet quelques virées fantasmagoriques, au niveau du montage, ou même au niveau de la musique, appuyant une certaine ambiance mystérieuse durant certaines scènes. Elle est d'ailleurs composée par Christophe Chassol, qui avait aussi fait la bande originale de "Tout simplement noir" (dont le réalisateur est présent aussi ici), film qui parlait aussi politique, mais avec beaucoup d'auto-dérision, et avec ce même format docu-fiction, et un décalage entre l'humour léger et la sévérité de ce qu'il traite.

Pour appuyer son rapport conflictuel entre nos personnages principaux et les locaux, ces derniers vont persister dans l'utilisation du créole (sous-titrés pour nous), ce qui a pour conséquence de générer un dialogue de sourds, au sens propre du terme, et je trouve cela plutôt intelligent comme manière de montrer l'incompréhension des revendications.

Bref, un film qui m'a étonné, déboussolé, mais qui est vraiment drôle et bien conçu, plutôt intelligent dans sa manière de cacher son jeu, et d'utiliser son auto-dérision. En fait, je suis obligé de l'adorer, car même si le tout semble un peu trop foutraque et semble ne pas faire sens dans la continuité, c'est justement pour cela qu'il frappe, on suit cette espèce de collage informe et imbitable, qui pourtant réussit à résonner une certaine authenticité, quasi expérimentale.

"Quelle journée"

(Vu le 23 mars 2024 au cinéma)

Tiflorg
8
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le 27 mars 2024

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