Il serait étonnant que Frédéric Lopez , inconsciemment ou non, ne se soit pas inspiré de ce film pour créer son émission. Tous deux partagent cette ambition de créer un lien entre un homme et un peuple qui ont grandi selon des codes différents. Et là où Lopez a mouillé le maillot pendant douze ans pour accompagner, Costner joua le double rôle de l' acteur et du metteur en scène de la rencontre. Il y mit ses tripes, son courage, son argent. Combien il fut moqué par le petit monde hollywoodien lui prédisant un échec à La porte du Paradis dont ne se remit pas Michael Cimino, peu de gens s'en souviennent. Pas plus que la raz de marée aux Oscars qui s'ensuivit.
Étrange destin de ce film au fond, qui ose raconter ce qu'aurait pu être la "frontière", si des hommes de bonne volonté à la John Dunbar s'y étaient employés. On taxa volontiers Costner puisqu'il l'incarna, d'une naïveté mièvre assortie d'une certaine lourdeur démonstrative. Là où l'on finit, une fois les cendres du désastre éteinte, par louer la magistrale critique du "rêve américain", ce massacre des pauvres par les riches, réalisée par Cimino.


Les échecs suivants de Costner, l'homme d'un sujet, achevèrent de faire sombrer peu à peu dans l'oubli ce film, à l'instar de ce qu'il raconte en filigrane: l'effacement de la frontière, celui des indiens.
Il reste pourtant, après presque trente ans où je le découvris sur grand écran, un film de pure harmonie pour le paraphraser lui-même, conjuguant parfaitement Art et Humanisme.


L'honnêteté de l'auteur se retrouve en ce qu'il ne dressa pas un portrait en simple "bon sauvage" des indiens, mais eut l'ambition de la reconstitution respectueuse au service d'une rencontre d 'exception, non sans sacrifier à une saveur d'épopée hollywoodienne. La méfiance des indiens, conjuguée à la maladresse de Dunbar ( oui il est idéaliste et alors?! ) ses incompréhensions parfois sont autant celles de Costner embrassant son sujet. Oser la longueur sert cette ambition, aux antipodes du cinéma-divertissement, revenu au pouvoir dix ans auparavant, sur le cadavre froid du film de Cimino...
Le hiatus se situe à la collision brutale entre un Nirvana atteint par Dunbar grâce à sa Re-naissance en "danse avec les loups", et une réalité brutale plus "condensée" que reconstituée celle-ci. Elle offre toutefois au film un final grave, un lyrisme tragique auquel je ne puis résister malgré l'âge venu et le cynisme ambiant ayant pollué mon âme...


Le début du film à le revoir, campe sur les terres d'une folie shakespearienne, qui m'enthousiasma instinctivement autrefois et qu'on aurait tort d'occulter.


L'effet de "surprise" apparaît rétrospectivement comme ce que le film peut offrir de mieux au spectateur partant pour une après-midi de fin d'automne, sans trop savoir dans quoi il s'embarque, contrairement à moi et mon amie Sioutine qui voguèrent sur les flots de la remémoration nostalgique, il y a moins de vingt-quatre heures de cela.


Au moment de clore ce gentil plaidoyer, je me demande...Que reste-t-il dans le cinéma actuel américain de cet artisanat à l'ancienne qui sut produire des chefs d'oeuvre?
**La La Land**est le seul film récent qui m’apparaît de cet acabit, sur un terrain complètement miné par le divertissement à outrance et les surhommes en collants ayant remplacé les cow boys. Entre le petit film Arty indépendant et le blockbuster calibré, plus rien ou presque sinon un miracle tous les vingt-ans au mieux...Et sinon, c'était quand le dernier grand film humaniste américain ? C'est foutu alors?


Devenir Danse avec les loups, se rencontrer en l' Autre, que peut-on raconter de mieux?

PhyleasFogg
9
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le 16 déc. 2018

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PhyleasFogg

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