A de maintes reprises, des acteurs et actrices ont choisi de se mettre à la réalisation. Pour certains, comme Orson Welles, les deux métiers se combinaient très régulièrement. Pour d’autres, le passage derrière la caméra a pris quelques temps. Kevin Coster est surtout connu en tant qu’acteur mais, à trois reprises, il s’est essayé à la réalisation. La première fois, ce fut en 1990, avec Danse avec les loups, et autant dire qu’il était difficile de réaliser un premier essai aussi impressionnant.


On connaît les westerns notamment, par exemple, à travers la filmographie de Sergio Leone et ses westerns spaghetti grandioses et cultes, avec des duels au sommet des règlements de comptes à la pelle. Avec le temps, j’ai découvert les westerns « à l’américaine », plus sauvages, mettant en scène de grands espaces, et les origines de la civilisation américaine dans une démarche presque mythologique, notamment grâce aux films de John Ford et Clint Eastwood. Et c’est dans la même veine que Kevin Costner développe et réalise Danse avec les loups.


La guerre de Sécession est souvent un terrain propice au développement de cette mythologie, par l’horreur et l’absurdité qu’elle dégage. John Dunbar (Kevin Costner) est l’un de ses participants et un de ses témoins, une de ses victimes qui va trouver la rédemption dans un acte aussi héroïque que suicidaire. Le premier message du film s’écrit alors devant nos yeux : cette civilisation ne peut se construire sur la base d’une guerre civile sanglante. L’Homme doit regarder en arrière et revenir aux sources pour se retrouver et construire un monde meilleur.


En partant s’isoler dans un fort à la frontière, Dunbar réapprend à composer avec la nature, à vivre en harmonie avec, et à vivre loin des Hommes. Cela, toutefois, ne devra durer qu’un temps. Ce séjour à la frontière va le confronter à des rencontres inopinées avec diverses tribus amérindiennes, notamment des Sioux. Des rencontres parfois périlleuses, parfois curieuses. A ce propos, Kevin Costner prend bien le temps de planter le décor, de donner du relief à John Dunbar, narrateur observateur et curieux, qui tourne ses premiers contacts avec les amérindiens en une forme d’étude intrigante et minutieuse. Ces premières tentatives d’établissement d’une communication avec les Sioux est laborieuse, à cause de la barrière de la langue et des différences culturelles, mais s’avère basique et essentielle.


Une nouvelle fois, une forme de mythologie sur nos origines se crée. Après avoir montré le chaos et la destruction avec la guerre de Sécession, Kevin Costner montre la naissance de la civilisation par le langage et l’échange. Les individus peinent à se comprendre, mais utilisent leur intelligence pour trouver des moyens d’y parvenir, par des gestes et des imitations. C’est d’ailleurs un des fils rouges du film, qui va se construire autour de ces différences pour montrer l’importance de l’échange, la nécessité d’une cohésion et d’apprendre à vivre ensemble pour fonder une civilisation pérenne et pacifique.


Naturellement, cette construction ne se constitue pas que d’amour et d’eau fraîche. La nature est une force indomptable, superbe mais aussi dangereuse, où les menaces sont nombreuses. Des menaces parfois naturelles, mais aussi parfois humaines, notamment symbolisées par les tribus amérindiennes hostiles ou par les groupes de soldats américains. Nous sommes ici au milieu du XIXe siècle, à une époque où le monde se développe de plus en plus vite et, pourtant, ici, le temps semble figé, s’écoulant lentement dans cette immensité encore sauvage, sans bons ni méchants, où seules les lois et les forces de la nature régissent l’existence des personnages.


Ce lien avec la nature demeure essentiel tout au long du métrage. Les Sioux, vivant au plus près d’elle et dans un respect sans failles envers elle, sont en harmonie. Ils se contentent de ce que la nature leur offre, au contraire des Pawnees, qui dérobent les ressources des autres tribus, et des soldats américains, qui viennent s’installer sur leurs terres pour construire des villes. Le mode de vie des Sioux et leur relation avec les autres tribus et avec les américains sont d’ailleurs tout à fait représentatives de la place de la nature dans la conquête de l’Ouest américain. Chassés de leurs terres et traqués, ils sont le symbole de l’âme d’un continent, d’un héritage plus que millénaire, subsistant pacifiquement mais voué à s’éteindre.


Au milieu de toute cette mécanique, on retrouve John Dunbar, soldat nordiste, intégrant la tribu des Sioux, mais tourmenté par de nombreuses questions à propos de son identité. Il ne peut que réprouver les actes de ses semblables, mais peut-il véritablement intégrer les Sioux, devenir l’un d’entre eux sans causer leur perte ? Il trouvera d’ailleurs un nouvel éveil amoureux auprès d’une autre américaine qui a grandi au milieu des Sioux. On remarque, dans l’évolution du personnage, une sorte de révélation, une remise en question, couplée à un inéluctable retour à ses propres origines, qu’il ne peut oublier. Dans ce processus se succèdent donc la réprobation, le questionnement, la révélation, l’harmonie et la désillusion. Peut-on, finalement, être encore totalement libre à l’orée d’un nouveau siècle placé sous le signe de la modernité et des révolutions technologiques ?


Danse avec les loups est une superbe épopée sur l’origine d’une civilisation et le déclin d’une autre, sur la compréhension de l’autre, et le vivre ensemble entre cultures, sur les questions de l’identité et notre rapport à la nature. Kevin Costner démythifie la création des Etats-Unis dans un film grandiose, émouvant et riche en messages puissants. Superbement maîtrisé, avec de magnifiques plans à foison, il montre tout le talent de Kevin Costner, autant devant que derrière la caméra. Hommage aux tribus amérindiennes dont on découvre ici les cultures de la manière la plus authentique possible, il rappelle au souvenir nécessaire de ces peuples aujourd’hui apatrides. Le film remportera sept Oscars, des statuettes plus que méritées pour ce qui est, certainement, un des plus beaux films que nous ait offert le cinéma.

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le 7 avr. 2018

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