Arguer qu’Unfriended est un film novateur reviendrait à réduire l’importance de The Den, Megan is Missing ainsi que l’anthologie V/H/S dans le développement précoce de cette interface numérique propice aux fictions horrifiques. Ce nouvel outil de mise en scène guidé par des perspectives artistiques et commerciales a ouvert la voie à un nouveau sous-genre à part entière dérivé du found footage : le screenlife. Deadware en est le dernier rejeton.
Deadware nous ramène dans un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. Celui des « tin tin tin tin » des bons vieux intel Pentium tournant sur Windows 98. Les conversations webcam, messagerie instantanée et partage d’écran relevaient des évolutions offertes par la démocratisation de ces nouvelles technologies envahissant peu à peu les foyers occidentaux. L’intrigue place ainsi deux de ses utilisateurs au cœur d’un jeu flash disponible sur navigateur. Malin, le réalisateur subvertit l’idée du programme malveillant (malware) par un point’n’click dont le but est d’éviter l’influence d’une entité malfaisante à travers une série d’énigmes en lien avec leurs histoires, leurs identités, et surtout leurs mensonges. Le support numérique sert ainsi d’espace à des forces occultes forçant la barrière virtuelle par l’intermédiaire d’une planche de Ouija modélisée en 3D.
Contrairement aux habituels récits de maison hantée, d’esprit vengeurs et autres cas de possession, Deadware tend à justifier les comportements irrationnels de son couple d’amis cherchant à retrouver leur amie dans ce jeu, tout en s’effrayant mutuellement à mesure de leurs découvertes macabres. Leur parcours est également ponctué de petites vidéos tournées en mini DV dans des bois obscurs s’inscrivant dans l’héritage du Projet Blair Witch. Ces found footage renforcent l’ambiance lugubre et oppressante de ce décor pixelisé. L’idée d’un site internet fantôme provoquant la mort de ses utilisateurs n’est pas sans évoquer un certain Terreur.point.com à la différence que le paris pris esthétique épouse pleinement l’expérience de visionnage en offrant au public une fenêtre sur les possibilités offertes par ce dispositif.
À l’instar de ses congénères, Deadware s’inscrit dans la même démarche d’expérimentation visuelle, narrative et sonore offerte par ce nouvel outil de mise en scène cloisonnant le public à ses fenêtres de navigations et vignettes de conversations interposées. Les interactions se limiteront au cadre de l’écran mais finiront inévitablement par influer sur le hors-champ, dans la réalité alternative des protagonistes qui deviendront la proie de manifestations terrifiantes.
L’intérêt du film réside dans le fait d’offrir au spectateur une fenêtre vers l’au-delà dans un univers restreint par son artificialité. Les nombreuses compositions et informations contenues dans chaque plan permettent de happer l'attention du public à la recherche du moindre élément pouvant révéler ou trahir les limites de cet environnement factice. La lucidité de l’intrigue couplé au charme suranné de ses mécanismes de jeu et visuels old school suffisent à emporter l’adhésion d’une frange ayant connu les composantes de cette petite révolution.
T'es nostalgique du Projet Blair Witch, t'aimais bien mater des VHS sur ta télé carrée ? Tu regrettes le numérique dégueu des années 2000 ? Tu voulais du rab de Found footage ? Eh bien rends-toi sur L’Écran Barge où tu pourras bouffer de la bande magnétique par tous les pores de ton corps jusqu'à t'en dégoûter définitivement.