Avec un titre aussi évocateur, on s'attend à une satire désamorçant tout les clichés sur les noirs, surtout que le film a eu divers prix, dont un à Sundance avec le prix spécial du jury du meilleur espoir pour Justin Simien, dont c'est la première réalisation et scénario. Mais malgré sa flatteuse réputation, le film reste une comédie plate et conventionnelle.


L'histoire se déroule en un seul lieu, une prestigieuse faculté américaine, représentative de la société actuelle, ou les blancs sont majoritaires, ne se rendant pas compte de leurs privilèges et se croyant tout permis, jusqu'à organiser une fête en remettant au goût du jour le Blackface, procédé consistant à se grimer en noirs, en le stigmatisant et le rabaissant, c'est purement raciste. Cette fête va déclencher la colère des "minorités", qui vont s'unir pour mettre fin à cette mascarade.
En dénonçant le racisme, qui sévit depuis tout temps dans les sociétés actuelles, le réalisateur et scénariste Justin Simien, n'évite pas les maladresses, en tentant à travers les clichés, à travers des situations, mais surtout des personnages : homme noir sortant avec femme blanche, femme métisse militante devenant leader d'une sorte de Black Panther des bacs à sable, femme noire rejetant sa couleur en voulant s'intégrer chez les blancs, homme noir et gay ne trouvant pas sa place, balader dans tout les sens, etc....Des personnages stéréotypés, incarnés par des acteurs enfermés dans la limite de leurs rôles, en dehors de Tyler James Williams (Everybody Hates Chris), le seul à offrir un peu d'émotion et de réflexion.
La caricature pour dénoncer, pourquoi pas ? Encore faut-il en sortir, pour la rendre plus efficace. Mais le film enchaîne les clichés avec une platitude exaspérante, en tentant de renouer avec le cinéma incisif de Spike Lee des années 80/90, dont le réalisateur assure l'influence en citant encore et encore Do The Right Thing, alors que cela ressemble plus à School Daze, tout en restant bien trop lisse. Cette relecture inoffensive du cinéma de Spike Lee, faussement grinçante avec des dialogues recherchant plutôt la vanne facile, du type Campus Show (sitcom sans saveur, dérivé du Cosby Show), ne donnant jamais matière à réflexion. Justin Siemen passe plus de temps à recopier les plans de son "maître" Spike Lee, dès les premières secondes du film, ou lors de la seule scène réussie du film à l'entrée de la salle de cinéma, en raillant les films de Tyler Perry, comme c'est aussi le cas dans le bien meilleur Top Five de Chris Rock.
Cela aurait pu être intéressant, en faisant un parallèle avec la société américaine des années 90, avec celle actuelle. Mais là encore, le film n'y parvient pas. Il se perd en essayant d'insérer les réseaux sociaux et même une télé-réalité, pour être raccord avec le monde actuel. En ne démontrant pas, que le racisme et donc les clichés, ont la peau dur et sont encore fermement ancré dans nos sociétés, à travers un racisme social plus pernicieux, en se contentant de le relater à travers les cheveux, qui fascinent tellement les blancs, qu'ils aiment y mettre les mains sales, sans demander la permission.
Le film n'est pas un brûlot, mais en avait-il seulement l'intention ? La fin n'a aucune résonance, elle se fait même attendre, Justin Siemen a du mal à offrir une conclusion satisfaisante, pouvant éventuellement, sauver son oeuvre sans saveur. Il tourne en rond, en espérant trouver la chute adéquate, mais revient à la télé-réalité, confirmant la superficialité de son histoire.
Au final, on a plus l'impression de se retrouver devant un film de Tyler Perry, alors qu'il tente de faire un cinéma différent, plus social et militant. Cela reste léger et consensuel, comme les récents Le Majordome ou Selma, même si ce dernier se démarque en édulcorant pas entièrement son sujet. On est bien loin du cinéma "Black" des 90's, tel Menace 2 Society, Boyz'N the Hood ou Fresh, sans oublier les œuvres de Spike Lee, qui n'a toujours pas trouvé son digne successeur. Le monde stagne, il régresse même et cela se ressent dans ce cinéma, qui est juste un produit aseptisé, qui ne dérangera personne.


La comédie n'est pas réussie, la satire est poussive, la réalisation et les dialogues sont plats, les acteurs(trices) ne sont jamais convaincants, c'est aussi inoffensif que The Oprah Winfrey Show. Melvin Van Peebles avait mis une claque en 1971 avec Sweet Sweetback's Baadasssss Song, Justin Siemen, met juste une petite tape derrière la nuque, en espérant ne pas trop déranger et il a bien réussi son coup, il est digne de sa vraie idole : Tyler Perry.

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le 1 avr. 2015

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Laurent Doe

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